Corruption au Nigeria: un rapport accablant contre Shell et Eni
"Notre enquête (basée essentiellement sur la fuite d'emails envoyés entre les dirigeants des compagnies pétrolières, ndlr) a réuni les preuves que les principaux patrons ont participé à une vaste opération de corruption en toute connaissance de cause", note le rapport intitulé "Shell savait", un nouvel épisode dans l'une des plus importantes et anciennes affaire de l'histoire du Nigeria.
L'affaire remonte à 2011, avec l'arrivée au pouvoir de Goodluck Jonathan, qui reprend les négociations pour vendre un bloc de pétrole off-shore extrêmement convoité, OPL 245, d'une capacité de production de plus de 9 milliards de barils (soit une valeur de 500 milliards d'euros environ aux prix actuels du barils).
"En 2011, (le britannique) Shell et la société italienne Eni ont payé 1,1 milliard de dollars dans un contrat douteux pour acquérir ce bloc particulièrement lucratif", explique le rapport, faisant référence à une affaire sur laquelle se penche également la justice italienne.
Le directeur général d'Eni, Claudio Descalzi a toujours défendu que "Eni n'a rien fait d'illégal", assurant que "Eni et Shell ont payé le gouvernement nigérian, et n'ont pas été impliqués dans la décision du gouvernement sur la manière d'utiliser cet argent".
En 2012, Shell assurait également ne pas avoir su que le bloc appartenait à l'ancien ministre du pétrole, qui aurait reçu une part importante de la commission, selon la justice italienne: près de 800 millions d'euros.
Pourtant, dans les échanges de mails entre deux dirigeants de Shell auxquels le rapport fait référence et que l'AFP a pu consulter, les liens entre le gouvernement nigérian et l'ex-ministre du pétrole sont toutefois identifiés: "Le président (Goodluck Jonathan) veut régler l'affaire 245 rapidement, compte tenu des conséquences pour Malabu et des contributions politiques qui s'en suivront", écrit un conseiller pour Shell International. "+Ete+ sent l'argent venir."
Un porte-parole anonyme de Shell, cité dans le rapport, ne souhaite pas faire de commentaires à ces nouvelles accusations "étant donné qu'une enquête de justice est en cours": "Toutefois, si l'on regarde le dossier du procureur de Milan (où l'affaire est portée), nous ne pensons pas qu'il y ait quelconque information ou preuves permettant de poursuivre Shell."
La Commission nigériane pour les crimes économiques et financiers (EFCC) mène une enquête parallèle sur cette affaire, et a mis en accusation le mois dernier 11 hommes d'affaires et politiciens nigérians, dont Dan Etete.
(c) AFP