Aramco: intérêt limité pour l'IPO, malgré la campagne promotionnelle
L'entreprise qui présente le bénéfice le plus élevé au monde cherche à lever environ 25 milliards de dollars (à peine moins en francs) --le quart des 100 milliards jadis espérés-- grâce à son entrée en Bourse très retardée et essentiellement destinée aux investisseurs du royaume et du Golfe.
Aramco a annoncé la semaine dernière que le nombre d'actions souscrites par les investisseurs avait dépassé le nombre de titres proposés à la vente. Mais si le taux de sursouscription est de 1,7 fois l'offre initiale, il reste très loin de celui de l'introduction de la National Commerce Bank en 2014: le nombre d'actions souscrites avait alors atteint plus de 23 fois le nombre de titres proposés.
"Les signes indiquent qu'il est peu probable qu'il s'agisse de la vente à grand succès que le royaume espérait", selon le centre d'analyse économique Capital Economics.
Si l'opération pourrait tout de même battre le record de 25 milliards de dollars levés par le géant chinois du commerce en ligne Alibaba, ces revenus "couvriront à peine le déficit budgétaire du royaume pendant un an", selon Capital Economics.
A moins d'un engouement de dernière minute des investisseurs institutionnels, l'intérêt pour la cotation d'Aramco semble relativement faible malgré les publicités tapageuses, la facilitation des prêts proposés par les banques pour permettre aux particuliers d'acheter des titres et les discours nationalistes qui ont érigé l'investissement en devoir patriotique.
"Nous sommes perdus"
Aramco a également fait miroiter aux investisseurs locaux des promesses de dividendes plus élevés et la possibilité d'obtenir gratuitement d'autres actions s'ils conservent leurs titres un certain temps.
"Je veux souscrire (des actions) mais (...) nous sommes perdus entre les deux", s'est plaint un internaute sur Twitter.
Certaines des familles les plus riches d'Arabie saoudite ont été poussées à investir, notamment le prince milliardaire Al-Walid ben Talal, qui faisait partie des hommes d'affaires enfermés dans l'hôtel Ritz-Carlton de Ryad pendant une vague de répression "anticorruption" de 2017.
"Si je n'investis pas, les gens diront que je ne suis pas patriote", explique un homme d'affaires de Ryad à l'AFP. "Mais je ne peux pas oublier 2006", ajoute-t-il, affirmant avoir perdu à l'époque environ un million de riyals (environ 266'600 francs) dans le pire krach boursier de l'histoire du royaume.
"L'Arabie saoudite extrait le pétrole du sol pour à peine trois dollars le baril (...) Même si les prix du brut restent bas, cette entreprise restera extrêmement rentable longtemps", souligne pour sa part à l'AFP un haut responsable du gouvernement.
"Excès" du nationalisme
La valorisation visée par Aramco pourrait atteindre 1700 milliards de dollars. C'est moins que les 2000 milliards voulus par le prince héritier mais plus que ce que les institutions étrangères sont prêtes à investir, selon les analystes.
Aramco a déclaré vendredi que les investisseurs étrangers ne représentaient jusqu'à présent que 10,5% des 31,7 milliards de dollars d'offres reçues à ce jour de la part d'investisseurs institutionnels.
Petronas, la compagnie nationale d'énergie malaisienne, qui devait investir, a annoncé dans un communiqué "qu'après mûre réflexion, elle avait décidé de ne pas participer" à l'entrée en Bourse d'Aramco.
La période de souscriptions pour les investisseurs institutionnels court jusqu'au 4 décembre. Le prix final de l'action devrait être annoncé le lendemain tandis que la négociation des titres en Bourse devrait débuter une semaine plus tard.
Face à cette demande tiède, les dirigeants d'Aramco ont pour le moment annulé les plans d'introduction sur une place boursière aux États-Unis ou en Europe, se concentrant presque entièrement sur les investisseurs du Golfe.
"L'introduction en Bourse d'Aramco se présente comme une démonstration économique des forces et des faiblesses de la nouvelle dépendance de l'Arabie saoudite au nationalisme", explique à l'AFP Kristin Diwan, chercheuse à l'Arab Gulf States Institute basé à Washington.
"La population peut être mobilisée pour remplir des objectifs nationaux, mais le soutien international est affaibli par ses excès", ajoute-t-elle.
(c) AFP