L'Arabie face à d'importants défis pour libérer son économie du pétrole
Le plan Vision saoudienne à l'horizon 2030, rendu public lundi par le vice-prince héritier Mohammed ben Salmane, est fondé sur la vente en Bourse d'une partie du géant pétrolier Aramco.
Le produit de cette offre d'actions va servir à la création du plus grand fonds souverain dans le monde, d'une valeur de 2.000 milliards de dollars, dont les dividendes devront offrir une alternative aux recettes pétrolières, en chute libre en raison de l'effondrement des cours du brut depuis 2014.
Mais des experts avertissent qu'une série d'obstacles devront être franchis pour le réussir.
Etant donné que les autorités vont s'attaquer aux grands intérêts particuliers de membres de la famille royale, des hommes d'affaires et de l'establishment religieux, les enjeux politiques risquent de déterminer, davantage que les prix du pétrole, le succès du plan gouvernemental, a commenté Capital Economics.
- 'Défis immenses'
Pour Patrick Dennis, expert chez Oxford Economics, une inconnue réside dans le soutien dont bénéficie, au sein de la famille royale, le jeune prince Mohammed, âgé à peine de 30 ans, le principal architecte du plan.
Il se dit plutôt pessimiste sur les chances de réformer l'économie après les échecs des tentatives lancées par le passé. Les défis sont immenses pour la mise en oeuvre de l'austérité fiscale nécessaire et de la diversification dans l'industrie ou le tourisme.
Pour l'économiste saoudien Abdelwahab Abu-Dahesh, passer d'une économie de l'Etat-providence à une économie basée uniquement sur la rentabilité des investissements, est un objectif très ambitieux. Il faudra un grand nombre de lois pour appliquer le plan et simplifier les formalités administratives, indique-t-il à l'AFP.
Les objectifs de Vision 2030 sont réalisables mais nous devrons travailler dur et être patients, prévient-il.
Nous ne prenons pas au mot l'affirmation par Mohammed Ben Salmane que l'Arabie saoudite ne dépendra plus du pétrole dès 2020, affirme pour sa part Capital Economics.
D'autres experts s'interrogent sur le moment choisi pour lancer le programme. L'Arabie saoudite aurait (dû) tenté cette expérience lorsque les prix du brut étaient élevés, estime une source de l'industrie pétrolière. Il faut du temps, beaucoup de temps, pour développer un pays.
- Ouvrir l'économie
Mohammed Al-Shumaimri, un consultant basé à Jeddah, est plus optimiste en citant l'expérience des Emirats arabes unis et du Qatar, deux petits pays voisins du Golfe qui ont réussi à diversifier leurs économies.
Le géant fonds souverain proposé aidera le royaume à varier ses sources de revenus (...). La privatisation des entreprises publiques permettra de réduire la corruption car il y aura des comptes à rendre, indique-t-il.
Cette Bourse, dont l'indice a bondi de 2% lundi après l'annonce du plan, reculait de 1,3% dans les échanges mardi après-midi.
Sur Twitter, un moyen de communication très populaire dans le royaume où les médias sont étroitement contrôlés, les réactions étaient partagées.
C'est quoi cette transformation' Il est déjà (trop) tard, écrit un internaute @salShabanH.
D'autres saluent le plan et son initiateur, le prince Mohammed Ben Salmane. Pas de soucis pour un pays dont la vision est planifiée par un homme comme celui-ci, souligne @alobisan. Pour Sultan Tamimi, un Saoudien de 27 ans, le pays renaît avec le lancement de ce projet qui témoigne d'une ambition et d'un esprit de jeunesse.
(c) AFP