TotalEnergies et Polytechnique : enquête sur de possibles conflits d'intérêts
Le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire "au mois de mai 2021 notamment du chef de prise illégale d'intérêts" après la plainte de trois associations, a-t-il indiqué mercredi à l'AFP, confirmant une information du Monde.
Dans leur plainte déposée au tribunal judiciaire de Paris le 22 avril, les ONG Greenpeace et Anticor, ainsi que l'association d'anciens élèves de Polytechnique (la Sphinx) reprochent à M. Pouyanné d'avoir entretenu la confusion entre son mandat d'administrateur de l'école et celui de PDG du groupe pétrolier lors des débats sur l'implantation de ce centre de recherches au coeur du campus.
L'implantation de ce bâtiment de 10.000 m2, devant accueillir 400 personnes pour travailler sur la "décarbonation des énergies", a été contestée par une partie des élèves et des professeurs de Polytechnique, qui avaient manifesté en mars 2020.
Ils voyaient dans ce projet une "ingérence du privé" au sein d'une école ayant pour mission de "former des ingénieurs au service de l'intérêt général" et des risques de lobbying de la part du géant des hydrocarbures.
"Il est incroyable de prétendre que j'aurais été en situation de conflit d'intérêts et encore plus qu'une infraction pénale aurait été commise", a réagi mercredi M. Pouyanné dans une déclaration transmise à l'AFP.
"À aucun moment, il n'a existé un mélange des genres entre mes fonctions", a ajouté le PDG.
"Le projet de centre de recherches de TotalEnergies à Saclay a été initié avant mon entrée au CA de l'X", l'autre nom de Polytechnique, a-t-il poursuivi, précisant s'être "toujours retiré des débats et abstenu de toute participation aux prises de décision au sein du CA de l'X concernant (ce) projet".
Il relève une exception, lorsqu'il est intervenu, "une seule fois", "pour donner le point de vue de TotalEnergies sur le projet à la demande du Président du Conseil" d'administration.
"Patrick Pouyanné a un pied dans deux maisons, il était donc de son devoir d'identifier les risques de conflits d'intérêts en tant qu'administrateur d'un établissement public", indique dans un communiqué commun aux trois associations Clara Gonzales, juriste à Greenpeace France.
"Selon la loi sur la transparence de la vie publique, ces risques auraient dû être évalués par le conseil d'administration où siègent des représentants de ministères, censés garantir l'indépendance de l'enseignement public", poursuit la juriste.
"Au-delà de la problématique fondamentale de la neutralité de l'enseignement public, dans un contexte où Total cherche à maintenir ses investissements dans les énergies fossiles, c'est un enjeu de probité qui a poussé les trois associations à intervenir", écrivent Greenpeace, Anticor et la Sphinx dans le communiqué.
En juin 2020, après la mobilisation d'étudiants et de professeurs, l'école d'ingénieurs a décidé de déplacer l'implantation du centre de recherche sur le futur parc d'activités d'innovation porté par l'Établissement public d'aménagement (EPA) Paris-Saclay.
"Le projet immobilier de centre de recherches est maintenant situé en dehors des terrains de l'X et ne donnera donc lieu à aucun accord d'aucune sorte entre TotalEnergies et l'Ecole Polytechnique", a assuré M. Pouyanné.
Le PDG de TotalEnergies "n'a plus la confiance nécessaire pour que le conseil d'administration continue de fonctionner sereinement en sa présence", estime dans le communiqué Thomas Vezin, secrétaire général de la Sphinx, appelant les dirigeants à "rétablir rapidement une gouvernance saine".
Après le dépôt de la plainte en mai, "plusieurs centaines d'étudiants ont demandé la démission de Patrick Pouyanné" du conseil d'administration, est-il rappelé dans le communiqué.
Les travaux de construction du bâtiment au nouvel emplacement, qui devaient débuter en juillet, ont été retardés.
(c) AFP