Les compagnies pétrolières soufflent le chaud et le froid dans l'Arctique
Après avoir réussi à diviser les coûts prévisionnels par deux pour rendre le projet commercialement viable, le consortium a décidé de développer le gisement Johan Castberg qui devrait entrer en exploitation fin 2022 en mer de Barents.
Gisement le plus septentrional du pays, c'est aussi "le plus gros projet pétro-gazier offshore au monde à recevoir un feu vert en 2017" avec des réserves récupérables estimées entre 450 et 650 millions de barils équivalent-pétrole, a souligné Statoil dans un communiqué.
L'investissement requis était initialement chiffré à plus de 100 milliards de couronnes (plus de 10 milliards d'euros), nécessitant un baril à 80 dollars pour être rentable.
Mais, grâce à une redéfinition du concept technologique retenu et à la chute des coûts dans le secteur parapétrolier, Statoil, l'italien Eni et la société publique norvégienne Petoro ont ramené la facture prévisionnelle à 49 milliards de couronnes.
À ce prix, le gisement sera rentable avec un baril à moins de 35 dollars alors qu'il tourne actuellement autour de 62 dollars.
Si les défenseurs de la nature ont dénoncé un projet "indéfendable", l'investissement est une bonne nouvelle pour le secteur pétrolier en Norvège, où la production d'or noir a été divisée par deux depuis son pic de 2000-2001.
Le gouvernement a salué "un jalon" bon pour l'emploi, qui rapportera 138 milliards de couronnes de rentrées fiscales.
Cet organisme public a placé de grands espoirs dans la mer de Barents qui recèlerait, selon ses estimations, près de 65% des réserves restant à découvrir au large de la Norvège.
Les campagnes de prospection s'y sont toutefois soldées par des résultats très décevants en 2014 et cette année.
Signe que l'Arctique n'est peut-être pas l'eldorado promis, la Direction du pétrole a d'ailleurs aussi annoncé mardi que seules 11 compagnies norvégiennes et internationales s'étaient portées candidates dans le cadre d'un nouveau cycle de concessions dans lequel un nombre record de 102 blocs étaient offerts, dont 93 en mer de Barents.
Lors du précédent round en 2015, 26 groupes pétroliers s'étaient disputé 57 blocs. Cet engouement s'expliquait notamment par l'ouverture à la prospection d'une vaste zone jusqu'alors totalement inexplorée le long de la frontière maritime avec la Russie, a fait valoir la Direction du pétrole.
Greenpeace, pour sa part, voit dans la chute du nombre de candidatures le signe d'un désintérêt croissant de l'industrie pétrolière pour l'Arctique.
"Quand (le ministre norvégien du Pétrole et de l'Énergie, Terje Søviknes) comprendra-t-il ce que de plus en plus de compagnies pétrolières commencent à comprendre: le pétrole de l'Arctique n'est pas rentable si on veut satisfaire au traité de Paris" sur le climat?", a demandé un responsable de l'ONG, Halvard Haga Raavand, sur Twitter.
Greenpeace et deux autres ONG ont récemment traîné l'État norvégien en justice pour obtenir l'annulation de licences d'exploration accordées en 2015 en mer de Barents, arguant qu'elles étaient anticonstitutionnelles et contraires aux objectifs de l'accord de Paris.
Coûteuses en raison de leur éloignement des infrastructures humaines et des conditions climatiques extrêmes, les activités pétrolières dans la région se heurtent à une hostilité croissante liée non seulement à des considérations environnementales mais aussi à leur viabilité économique future.
"Il y a un scepticisme croissant, au moins parmi les grandes compagnies pétrolières. Ces dernières années, plusieurs majors se sont retirées", a noté Thina Saltvedt, analyste chez Nordea Markets.
"Même si on a beaucoup réduit les coûts comme dans le cas de Johan Castberg, ce sont des contrées où il est plus cher de produire qu'au Moyen-Orient ou dans le pétrole de schiste aux États-Unis", a-t-elle expliqué à l'AFP.
Pour ne rien arranger, le seul champ pétrolier déjà exploité en mer de Barents, Goliat exploité par Eni, a connu de multiples déboires (surcoûts, retards, problèmes techniques...), à tel point que les médias norvégiens le qualifient de "gisement à scandale".
(c) AFP