L'argent du pétrole divise un peu plus les camps rivaux en Libye
Déchirée par une lutte de pouvoir acharnée et plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est dirigée par deux entités rivales: le gouvernement d'union nationale (GNA), issu d'un processus onusien et reconnu par la communauté internationale, basé à Tripoli, et un cabinet parallèle installé dans l'Est.
Ce dernier et soutenu par l'"Armée nationale libyenne" (ANL), force paramilitaire autoproclamée dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est du pays, qui tente désormais de s'emparer de la gestion des pétro-dollars, la source majeure de revenus.
L'ANL contrôle notamment les quatre terminaux du Croissant pétrolier (nord-est), en plus du port de Hariga, à Tobrouk, près de la frontière égyptienne, par lesquels l'essentiel du pétrole libyen est exporté.
Jusqu'ici, ces sites sont gérés par la Compagnie nationale de pétrole (NOC) du GNA, basée à Tripoli, chargée aussi des exportations conformément à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
"Action en justice"
Mardi, la NOC de Tripoli a ainsi fustigé la décision M. Haftar en soulignant que toute exportation de brut de la part des autorités parallèles serait "illégale".
Ces tentatives "échoueront comme elles ont échoué par le passé", a clamé dans un communiqué Mustafa Sanallah, le patron de la NOC, en arguant que "les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sont très claires".
"Les installations pétrolières, la production et les exportations doivent demeurer sous le contrôle exclusif de la NOC (de Tripoli) et sous la seule supervision du GNA", a-t-il prévenu.
Le gouvernement parallèle basé dans l'est a de son côté affirmé s'engager à assurer une "répartition équitable des revenus du pétrole" et à "respecter tous les contrats (...) avec les parties étrangères".
La Libye exporte du pétrole partout dans le monde, en particulier en Europe. Les États-Unis et la Chine figurent aussi parmi les clients les plus fidèles.
Les revenus du brut ont été gérés jusqu'ici par la Banque centrale dépendant du GNA et basé à Tripoli, qui se charge des versements des salaires des fonctionnaires dans tout le pays, y compris dans les régions sous contrôle des autorités parallèles.
Chacun des deux camps rivaux dispose de sa banque centrale, de sa "compagnie nationale" de pétrole (NOC) et de son agence de presse officielle.
"Aucune contrepartie"
Pour justifier la décision controversée du maréchal Haftar, son porte-parole Ahmed al-Mesmari a affirmé que des groupes armés rivaux et "terroristes" étaient "financés" par le pétrole, une allusion aux forces d'Ibrahim Jadhran et à leurs alliés, qui ont attaqué mi-juin les terminaux de Ras Lanouf et al-Sedra.
M. Jadhran commandait les Gardes des installations pétrolières (GIP) chargés de la sécurité du Croissant pétrolier. Il avait réussi à bloquer les exportations de pétrole de cette région pendant deux ans, avant d'en être chassé en septembre 2016 par l'ANL.
Fin mai, le président français Emmanuel Macron avait réuni à Paris les principaux protagonistes de la crise libyenne, dont Khalifa Haftar et le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, et obtenu un engagement sur des élections en décembre et l'unification des institutions.
Par sa dernière décision, le maréchal Haftar a "manqué une excellente occasion d'agir dans l'intérêt national", et "tourné le dos" aux engagements de Paris, a toutefois jugé mardi le patron de la NOC à Tripoli.
Lundi, le porte-parole de l'homme fort de l'est libyen avait lui déploré que l'ANL n'ait reçu "aucune contrepartie" à sa protection, depuis 2016, des sites pétroliers, malgré la perte de dizaines d'hommes, d'équipements et des munitions en repoussant plusieurs attaques sur le Croissant pétrolier.
"Nous n'avons eu le moindre dinar de la part de la NOC", avait-il relevé, réclamant implicitement que l'ANL perçoive une part des richesses pour "recruter, acheter des armes et des équipements".
L'ONU impose depuis 2011 un embargo sur les armes en Libye mais les principaux protagonistes du conflit, contournent régulièrement l'interdiction.
(c) AFP