🇺🇸 Washington impuissant à contraindre ses propres producteurs de pétrole
Le locataire de la Maison Blanche avait surpris jeudi dernier en expliquant via Twitter "espérer et s'attendre" à ce que Ryad et Moscou diminuent leurs extractions "d'environ 10 millions de barils, et peut-être nettement plus".
Il ne peut exiger la même chose des producteurs dans son propre pays car les règles sur la concurrence empêchent les entreprises de se coordonner.
Les États-Unis extraient environ 13 millions de barils par jour (mbj). Soit bien plus que la Russie ou l'Arabie saoudite, dont la production s'élevait en février à respectivement 10,7 mbjj et 9,8 mbj selon l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
Imaginer une solution
L'Opep et ses alliés, dont la Russie, doivent se réunir par visioconférence jeudi pour discuter d'une éventuelle réduction de leur production d'or noir.Les États-Unis ont été invités mais n'ont pas donné leur réponse, a indiqué mardi l'agence russe TASS. Moscou a laissé entendre que tout le monde devait unir ses efforts. Grosso modo, Washington doit aussi songer à réduire sa production.
"Il faudrait que l'administration américaine imagine une solution permettant d'offrir une réduction de la production sans que cela soit officiel", remarque Andrew Lebow, spécialiste du marché pétrolier pour Commodity Research Group.
L'administration a par exemple évoqué, selon lui, l'hypothèse d'une "évacuation des plateformes pétrolières dans le Golfe du Mexique en raison du coronavirus".
Mais "elle espère probablement que les producteurs vont s'ajuster d'eux-mêmes en raison de la détérioration des conditions économiques, sans intervention des autorités fédérales ou de l'Etat", remarque Andy Lipow du cabinet Lipow Oil Associates basé à Houston.
Le prix du baril de pétrole de référence aux États-Unis, le WTI WTI Le West Texas Intermediate (WTI), aussi appelé Texas Light Sweet, est une variation de pétrole brut faisant office de standard dans la fixation du cours du brut et comme matière première pour les contrats à terme du pétrole auprès du Nymex (New York Mercantile Exchange), la bourse spécialisée dans l'énergie., a de fait baissé d'environ 60% depuis le début de l'année, tombant la semaine dernière jusqu'à 20 dollars.
Avec les mesures de confinement imposées pour enrayer la propagation du Covid-19, les transports comme les usines se sont figés un peu partout dans le monde et la demande en énergie s'est effondrée.
Ryad et Moscou ont accentué le plongeon des cours en s'engageant dans une guerre des prix.
Au niveau actuel des cours, continuer à pomper n'est pas rentable pour de nombreuses entreprises américaines.
Plusieurs grandes majors pétrolières ont déjà drastiquement révisé à la baisse leurs dépenses, comme ExxonMobil qui a annoncé mardi une réduction de 30% de son budget dédié aux investissements.
L'ensemble du secteur aux États-Unis "réduit les forages à une vitesse record", estime le cabinet Rystad Energy. Selon ses calculs, le nombre de forages de puits horizontaux, ceux souvent associés à l'exploitation du pétrole et gaz de schiste, ont déjà baissé de 19% par rapport à mi-mars et pourrait au total plonger de 65%.
Les observateurs du marché prédisent également une vague de faillites parmi les entreprises américaines du secteur, lourdement endettées. Whiting Petroleum Corporation, spécialisée dans les gisements de schiste dans le Dakota du Nord et dans le Colorado (ouest), a déjà déposé le bilan la semaine dernière.
L'agence américaine d'information sur l'énergie a révisé mardi à la baisse ses prévisions de production sur l'ensemble de l'année, de 13 mbjj à 11,8 mbjj.
Mais à très court terme, "on ne peut pas juste pousser un bouton pour arrêter la production", remarque Andrew Lebow.
"Il faudra attendre mai, et sans doute même juin, pour voir une réduction significative de la production", estime l'expert.
(c) Awp