Petrobras, la compagnie pétrolière phare du Brésil, doit retrouver son brio
La présidente Dilma Rousseff, réélue pour quatre ans en octobre, entamera 2015 avec le défi de renouveler toute la direction de Petrobras pour lui faire retrouver sa crédibilité.
C'est ce qu'a recommandé le procureur général du Brésil, Rodrigo Janot, en raison du scénario désastreux dans la gestion de la compagnie qui emploie 80.000 personnes.
Le scandale a éclaté peu avant l'élection présidentielle où Mme Rousseff a été réélue de justesse. La dénommée opération policière Lava Jato (lavage rapide) a montré que le réseau de corruption aurait blanchi près de 4 milliards de dollars en dix ans.
Une caricature à la Une du quotidien O Globo montrait cette semaine Mme Rousseff assise sur un baril de pétrole avec une mèche allumée.
Même si jusqu'à présent il n'y a aucune preuve de l'implication de la présidente, cette dernière présidait le conseil d'administration de Petrobras quand elle était ministre de L'Energie de l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).Le parquet a lancé les premières poursuites pour corruption, blanchiment et association de malfaiteurs contre 36 personnes, pour la plupart des entrepreneurs, qui surfacturaient des contrats à Petrobras pour verser des pots-de-vin à certains de ses directeurs.
Des hommes politiques de trois partis, dont le PT au pouvoir depuis 12 ans, sont impliqués dans le scandale mais aucun d'eux n'est encore poursuivi.
- 'Piqûre de confiance'
La méfiance envers Petrobras s'est reflétée dans la chute des actions non seulement au Brésil mais aux Etats-Unis où elles sont aussi cotées. Retrouver la confiance passe par le changement de la direction, dont la présidente Graça Foster, affirment les experts.
Si Rousseff nomme à la présidence de Petrobras quelqu'un du marché, un cadre, un directeur sérieux, technique et non politique, elle va lui faire la piqûre de confiance dont elle a besoin, explique à l'AFP l'analyste financier André Leite, de TAG Investimentos.Petrobras a déjà annoncé la création d'un nouvel organisme de contrôle de gouvernance pour renforcer les processus internes de contrôle. Malgré cela, il est indéniable que l'actuelle direction a perdu la capacité de réagir à la crise, estime un récent éditorial du journal Valor Economico.
L'opposition réclame la démission de Graça Foster d'autant que, selon Valor, elle avait été mise au courant en 2009 et 2011 d'irrégularités dans des contrats avec la compagnie par une ancienne gérante, Venina Fonseca.
Petrobras a répondu que les dénonciations de Mme Fonseca ont été faites après qu'elle eût été destituée, en raison d'erreurs graves dans des contrats.
Paulo Roberto Costa, l'ancien directeur de l'approvisionnement de Petrobras qui aurait reçu des pots-de-vin de plusieurs millions de dollars, et l'entrepreneur Alberto Youssef, qui offrait des entreprises de façade pour blanchir l'argent des surfacturations, collaborent avec la justice en échange d'une remise de peine.
S'il y a des hommes politiques impliqués du PT et de partis alliés, comme M. Costa l'a dit, un second procès pourrait commencer à la Cour suprême comme celui du Mensalao sur l'achat de votes au Parlement, qui a conduit en prison plusieurs leaders du PT.
Je n'ai jamais eu et n'aurai jamais aucune tolérance envers les corrupteurs et les corrompus, affirmait récemment la présidente.
Le procès pour ce scandale n'aura pas d'effet négatif sur Rousseff mais sur le PT, juge l'expert Carlos Alberto Alkmim, de l'Université catholique de Rio (PUC).
- De fierté à honte nationale
A New York, des investisseurs ont porté plainte contre Petrobras et demandent des dédommagements pour les pertes subies avec le récent effondrement des titres de plus de 45%. La SEC, gendarme du marché américain, a ouvert une enquête.
La grande menace qui pèse sur l'entreprise est cette action collective aux USA, estime M. Leite, rappelant que des procès similaires ont fini par des amendes de plus de 7 milliards de dollars. Et Petrobras a besoin d'investissements de 82 mds USD d'ici à 2018 pour exploiter ses gigantesques réserves pré-salifères en eaux très profondes.
L'entreprise vient de repousser une deuxième fois la diffusion de ses résultats trimestriels. Elle assure que ce nouvel ajournement lui permettra de les publier sans risque de voir ses créanciers réclamer un remboursement anticipé de la dette.
En octobre, l'agence Moody's avait abaissé d'un cran sa note à Baa2 (risque modéré).
Petrobras est passé de fierté à honte du Brésil, déplore M. Leite.