Réserves stratégiques de pétrole: impact symbolique mais limité pour les marchés
Joe Biden a confirmé la nouvelle qui courrait depuis plusieurs semaines: les États-Unis vont relâcher dans les mois qui viennent 50 millions de barils d'or noir, puisés dans leurs réserves stratégiques de quelque 600 millions de barils.
Puiser dans les réserves est une "initiative majeure" qui va "faire la différence", a assuré le président mardi soir.
Le cours du baril, qui était tombé sous les 20 dollars au plus fort de l'épidémie, n'a depuis cessé de grimper jusqu'à retrouver le niveau de ses pics de fin 2018.
"L'objectif de l'administration est de trouver un équilibre (...) et, de toute évidence, un baril à 80 dollars (prix actuel, NDLR) est jugé trop haut aux États-Unis", a commenté James Williams de WTRG Economics.
Paradoxalement, les cours du brut sont repartis en forte hausse mardi, après l'annonce de cette initiative coordonnée entre plusieurs pays, et qui va augmenter l'offre de pétrole.
En effet, les rumeurs sur une telle action avaient déjà fait perdre 5 dollars au prix du baril, depuis son pic de 87 dollars fin octobre pour le Brent BRENT Le Brent ou brut de mer du nord, est une variation de pétrole brut faisant office de référence en Europe, coté sur l'InterContinentalExchange (ICE), place boursière spécialisée dans le négoce de l'énergie. Il est devenu le premier standard international pour la fixation des prix du pétrole..
Le prix du baril de Brent BRENT Le Brent ou brut de mer du nord, est une variation de pétrole brut faisant office de référence en Europe, coté sur l'InterContinentalExchange (ICE), place boursière spécialisée dans le négoce de l'énergie. Il est devenu le premier standard international pour la fixation des prix du pétrole. de la mer du Nord pour livraison en janvier a bondi de 3,27% à 82,31 dollars.
À New York, le baril de West Texas Intermediate (WTI WTI Le West Texas Intermediate (WTI), aussi appelé Texas Light Sweet, est une variation de pétrole brut faisant office de standard dans la fixation du cours du brut et comme matière première pour les contrats à terme du pétrole auprès du Nymex (New York Mercantile Exchange), la bourse spécialisée dans l'énergie.) pour le même mois a engrangé 2,22% à 78,50 dollars.
Une fraction de la demande américaine
"Le marché réagit ainsi car entre les gros titres et la réalité, il y a une différence", a expliqué Andy Lipow de Lipow Oil Associates.L'analyste notait, pour relativiser l'impact de la mesure, que 50 millions de barils représentent une fraction seulement de la consommation annuelle américaine, puisque celle-ci se monte à 19,5 millions de barils par jour: ils correspondent donc "à trois jours de demande des raffineries américaines".
"Les gros titres parlent d'une libération de 50 millions de barils, mais dans les faits (...), 18 millions seront vendus sur le marché, tandis que les 32 millions restants sont un +échange+, c'est-à-dire qu'ils devront être remboursés plus tard, plus cher", a encore expliqué Andy Lipow à l'AFP.
Une grosse partie des réserves américaines déversées ne sont donc qu'un prêt et devront être reconstituées.
En outre, l'apport des autres pays à cette initiative coordonnée est encore obscur.
D'autres nations consommatrices de pétrole comme la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud ou encore le Royaume-Uni vont aussi libérer une partie de leurs réserves stratégiques.
"On ignore à quelle hauteur la Chine va contribuer mais je pense que ce sera mince, car contrairement aux États-Unis, ils sont de gros importateurs de pétrole", a indiqué James Williams.
La mesure devrait donc avoir un impact limité et de courte durée sur les cours, même si symboliquement et psychologiquement, elle n'est pas anodine.
"C'est symbolique, parce qu'il est difficile pour l'administration d'agir autrement que de faire baisser les prix de l'essence à moins d'accroître l'offre considérablement", a estimé Andy Lipow de Lipow Oil Associates
"50 millions de barils n'est pas un chiffre insignifiant", relève par ailleurs James Williams, qui le compare à "ce que fait l'OPEP+ en augmentant chaque mois sa production de 400.000 barils par jour".
Malgré les appels du pied répétés de la Maison Blanche aux pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), pour qu'ils augmentent leur production, ce qui ferait pression sur les prix, ceux-ci s'en tiennent à leur programme de restauration prudente et progressive.
"Si les prix du brut ont augmenté, c'est parce qu'ils ont été chiches sur leur production", a affirmé John Kilduff d'Again Capital.
L'initiative américaine pourrait ainsi provoquer une réaction opposée de la part de l'OPEP, selon plusieurs analystes.
Ces pays ne vont-ils pas, lors de leur prochaine réunion, "décider de suspendre leur augmentation mensuelle de 400.000 b/j"? s'interrogeait James Williams.
"Toute l'affaire pourrait finalement n'avoir aucun impact sur le marché. Car si le prix descend momentanément sous les 70 dollars le baril, il y a de grandes chances que l'OPEP n'augmente pas sa production en janvier", souligne-t-il.
Cela ferait alors remonter les cours.
(c) AFP