"Gilets jaunes": l'exécutif va annoncer un moratoire sur la hausse des taxes des carburants
Édouard Philippe va annoncer cette mesure d'apaisement, décidée lundi soir à l'Élysée sous la présidence d'Emmanuel Macron, mardi matin devant le groupe En marche à l'Assemblée, a précisé une source gouvernementale à l'AFP.
Cette suspension de plusieurs mois doit être assorti d'autres mesures d'apaisement, selon ces sources.
Le nouveau délégué général de La République en marche Stanislas Guerini a estimé mardi sur RTL qu'un tel moratoire sur la hausse des taxes serait "sain" et qu'il fallait "apaiser le pays", encore sous le choc des graves violences samedi dernier, notamment à Paris.
"Insuffisant": le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau a accueilli avec prudence l'annonce. "J'espère que moratoire veut dire annulation de la hausse", a-t-il déclaré sur Public Sénat.
Édouard Philippe s'exprimera donc mardi matin devant le groupe LREM, puis lors de la séance de questions au gouvernement. Mercredi à l'Assemblée et jeudi au Sénat, il mènera un débat, avait déjà annoncé Matignon lundi.
Face à l'urgence de la situation, une réunion au sommet s'est tenue lundi soir à l'Élysée autour d'Emmanuel Macron, Édouard Philippe et une dizaine de ministres, dont François de Rugy (Transition écologique) et Bruno Le Maire (Économie) qui avaient écourté un déplacement à l'étranger.
L'Élysée, laissant augurer des annonces rapidement, avait rapporté que cette entrevue avait "permis d'échanger sur les réponses à apporter aux mobilisations en cours."
À l'exception d'Europe Écologie-Les Verts et de Génération Écologie, toutes les formations d'opposition avaient plaidé pour un "moratoire" dans la hausse prévue le 1er janvier des taxes sur le carburant, mot d'ordre initial du mouvement des "gilets jaunes" dont la dernière manifestation samedi a donné lieu à de nombreuses scènes de violence et de guérilla urbaine.
À droite, Laurent Wauquiez avait de nouveau plaidé pour un référendum, Marine Le Pen et la France insoumise évoqué une dissolution de l'Assemblée, et le PS brandi une proposition de loi de "sortie de crise" avec des mesures en faveur du pouvoir d'achat.
S'il a envoyé son Premier ministre en première ligne, Emmanuel Macron semble à la manoeuvre. Sa visite officielle en Serbie prévue mercredi et jeudi a été reportée, tout comme une réunion de travail avec des associations d'élus locaux prévue mardi après-midi.
Impact "sévère"
L'annulation de la réunion prévue mardi après-midi à Matignon avec des "gilets jaunes" n'est pas une surprise, les représentants des "gilets jaunes libres", qui avaient appelé dimanche à une sortie de crise, ayant annoncé dès lundi qu'ils ne se rendraient pas rue de Varenne, notamment pour "raisons de sécurité".
Et la première réunion vendredi avait viré au fiasco: seules deux personnes avaient honoré le rendez-vous.
Parmi les membres historiques les plus connus des "gilets jaunes", Éric Drouet a appelé à l'intensification du mouvement de contestation lors de nouvelles manifestations samedi prochain, plutôt que de "négocier avec un gouvernement qui perd de toute part".
La gestion de l'ordre public est également au centre du débat politique. Déjà entendus lundi soir à l'Assemblée, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'État Laurent Nuñez s'en expliqueront mardi après-midi devant le Sénat.
Les syndicats lycéens contre les réformes dans l'Éducation nationale avaient jusqu'à présent peiné à mobiliser. Mais porté par la contestation des "gilets jaunes", le mouvement a pris de l'ampleur lundi, avec des blocages de dizaines de lycées, parfois accompagnés de violences.
Enfin, selon Bercy, les deux premières semaines d'actions des "gilets jaunes" ont déjà un impact "sévère et continu" sur l'économie.
Sur le plan judiciaire, au moins 57 personnes ont comparu lundi à Paris. Ils font partie des 139 suspects majeurs qui ont déjà été déférés au parquet de Paris, après les violences et les dégradations de samedi.
Au total, ce week-end, les violences ont donné lieu au chiffre record de 363 gardes à vue, dont 32 pour des mineurs, selon un nouveau bilan du parquet de Paris.
De son côté, la maire (PS) de Paris Anne Hidalgo a estimé "entre 3 et 4 millions d'euros" les dégâts causés par les violences en marge de la manifestation parisienne pour les seuls "mobiliers urbains".
(c) AFP