Russie: la vitale production pétrolière visée par les sanctions
- Où en est la production russe?
La Russie a vu sa production s'envoler ces quinze dernières années, contribuant aux taux de croissance spectaculaires qui ont marqué les deux premiers mandats de Vladimir Poutine (2000-2008). Elle dépasse depuis 2010 les 10 millions de barils par jour et place ainsi le pays au coude à coude avec l'Arabie saoudite pour le rang de numéro un mondial.
Mais cette progression, obtenue grâce à la remise en marche de gisements mis en exploitation à l'époque soviétique, s'essouffle et le gouvernement n'attend plus qu'une hausse de 0,4% cette année, à 524 millions de tonnes, puis un niveau quasi stable jusqu'en 2018, selon des prévisions récemment publiées par le journal Vedomosti.
Le patron du numéro deux russe Loukoïl, Leonid Fedoun, a récemment averti d'une possible baisse de production dès 2015.
- Comment les sanctions peuvent-elles affecter la production'Les sanctions occidentales frappent sur deux tableaux.
D'une part, l'UE bloque le financement sur ses marchés de plusieurs acteurs clés du secteur: Rosneft, Transneft et la branche pétrolière de Gazprom, Gazprom Neft. Rosneft, très influent géant public qui représente 40% de la production du pays et est dirigé par un proche de Vladimir Poutine, Igor Setchine, est également sur la liste noire de Washington. Pour ces sociétés, la plupart des sources traditionnelles de financement se ferment, dans un secteur où les projets coûtent des milliards de dollars.
Les restrictions imposées sur l'accès aux capitaux risquent de faire baisser les investissements et provoquer une baisse de la production, mais on parle là d'un effet dans plusieurs années, pas immédiat, relève Grigori Birg, expert de la société financière InvestCafe, interrogé par l'AFP.
D'autre part, Bruxelles a décidé de restreindre la fourniture de technologies liées à l'exploration pétrolière.
Si la production augmente faiblement actuellement, c'est qu'elle provient en partie de vieux gisements de Sibérie occidentale, où il faut travailler à améliorer les rendements, estime M. Birg.
Pour cela, il faut des technologies qui étaient fournies par les entreprises occidentales, ajoute-t-il.
L'agence Fitch avait prévenu cet été que les limitations à l'accès à ces technologies, comme le forage à l'horizontale employé par Gazprom Neft, allaient réduire la durée de vie de ces vieux gisements. Elle avait aussi estimé que les sanctions allaient retarder certains des projets les plus ambitieux en Russie, notamment dans l'Arctique.
Pour l'instant, Rosneft a affirmé que sa coopération avec l'américain ExxonMobil et le britannique BP n'était pas affectée. Il a même lancé plusieurs projets en août et début septembre avec le premier dans l'Arctique, zone prometteuse mais aux conditions extrêmes, d'où une exploration qui exige technologies de pointe et investissements massifs.
Mais à chaque renforcement des sanctions, ces partenariats sont remis en question.
- Comment peuvent réagir les industriels et les pouvoirs publics'
Nos recherches sur l'Iran suggèrent que ce sont les sanctions sur l'énergie plutôt que sur la finance qui ont entraîné un changement de politique, relevaient cette semaine les analystes de Renaissance Capital.
La Russie tire la majorité de ses revenus budgétaires de la rente pétrolière, qui lui permet d'équilibrer son budget et de rester peu endetté. Un déclin, même s'il n'est pas pour demain, serait une très mauvaise nouvelle au moment où Moscou se prépare à des années difficiles sur le plan économique.
Le Premier ministre Dmitri Medvedev a d'ailleurs reconnu cette semaine que le gouvernement n'avait pas d'autre choix que de soutenir Rosneft, qui a demandé une aide publique pour rembourser sa gigantesque dette (plus de 30 milliards d'euros) malgré les sanctions.
Il est indispensable que le groupe maintienne son niveau de production parce que Rosneft est le principal contribuable pour le budget, a-t-il déclaré au journal Vedomosti.
En ce qui concerne la technologie nécessaire, les analystes de VTB Capital, société d'investissement contrôlé par l'Etat ruse, ont assuré que l'industrie russe était en mesure de remplacer les équipements européens et américains avec des versions (russes, ndlr) ou chinoises.
Vladimir Poutine a récemment évoqué l'entrée d'un partenaire chinois dans le gisement Vankor mené par Rosneft, considéré comme l'un des plus riches de Sibérie Orientale.
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