Chine: un nouveau contrat pétrolier en yuan pour asseoir son influence
La Chine est le principal importateur de pétrole au monde et le deuxième plus gros consommateur après les Etats-Unis, qui pourraient se voir dépasser par l'Empire du milieu en 2034 d'après le département américain de l'Énergie.
Il est donc naturel que ce pays soit l'endroit de choix pour un contrat à terme en Asie, explique Lin Boqiang, de l'Université de Xiamen.
La plateforme du Shanghai International Energy Exchange, sur laquelle seront échangés les actifs, a confirmé qu'elle peaufinait actuellement le projet avant simulation en conditions réelles et lancement.
Les contrats à terme sont des actifs standardisés (tailles des lots, spécifications du brut, monnaie) qui se négocient sur des marchés réglementés, pour livraison dans le futur, par opposition aux achats de pétrole au comptant.
Le contrat chinois sera libellé en yuan, échangé en lots de 100 barils, basé sur un brut moyen sulfureux, avec un maximum de 12 mois consécutifs listés sur l'échange.
Beaucoup d'observateurs estiment qu'il devrait être introduit avant la fin de l'année et, contrairement à d'autres plateformes chinoises, les échanges seront ouverts aux investisseurs étrangers.
- Liquidité: la clé du succès
Mais, au début du moins, les cibles principales de ce nouveau contrat devraient être les entreprises locales ou celles qui ont de larges intérêts en Chine.
Ainsi les entreprises nationales (producteurs, raffineurs ou compagnies aériennes par exemple) pourront se protéger des fluctuations des prix du pétrole, estime Wiktor Bielski, analyste chez VTB Capital.
Mais l'actif pourrait manquer de liquidité, notamment s'il échoue à attirer les entreprises internationales, car le marché pétrolier chinois hautement monopolistique ne compte pas beaucoup de participants, selon Lin Boqiang.
Le secteur pétrolier chinois est largement influencé par les compagnies pétrolières nationales et, même si des entreprises indépendantes ont émergé, leur portée reste limitée.
Ainsi, la capacité du contrat en yuan à devenir un brut de référence comme le sont le Brent, qui sert de base pour 2/3 du pétrole vendu dans le monde, et le WTI, la référence américaine, paraît limité pour le moment. Même si l'objectif est bien, en cas de succès, que le nouveau contrat à terme en yuan devienne un WTI chinois.
Un des buts a toujours été d'avoir un outil pour établir des prix qui reflètent les conditions du marché asiatique afin de ne pas être exposé à des facteurs en dehors de la région, explique Richard Mallinson, analyste chez Energy Aspects.
- Zones d'ombre et risque de contagion
Mais des zones d'ombre subsistent quant au brut sous-jacent qui sera utilisé dans le contrat. Si la Chine produit près de 4,6 millions de barils par jour (mbj), elle en importe près de 6,1 mbj, et l'actif devrait être basé sur un brut moyen sulfureux dont elle est un importateur majeur.
Ainsi, les fondamentaux de l'offre seront modelés sur un brut qui n'est pas local, donc toujours sujet à des facteurs extérieurs.
Une large proportion de l'industrie, comme les maisons de négoce, les géantes pétrolières et les producteurs, surveille (le lancement du contrat) avec un grand intérêt. Ils sont très désireux de voir comment il va se comporter et comment il sera adopté, note Daniel Colover, directeur éditorial associé chez Platts.
Pour Wiktor Bielski, l'adoption ne devrait pas être le problème majeur. Au contraire, en attirant des particuliers chinois, les échanges pourraient exploser très vite.
La taille du contrat qui sera échangé en lots de 100 barils, au lieu de 1.000 barils pour le Brent, semble en effet faite pour les investisseurs privés.
En Chine, l'argent des particuliers pour investir croît plus vite que le nombre de produits dans lesquels ils peuvent le placer, selon l'analyste.
Ainsi sur le Dalian Commodity exchange, le contrat sur le minerai de fer a mis du temps à démarrer mais ses volumes ont fini par exploser grâce aux parieurs, explique l'analyste. Le prix du minerai de fer en Chine, et donc de l'acier, se base aujourd'hui en partie sur cet actif.
Qu'arrivera-t-il si la même chose se passe pour le pétrole ? Les marchés chinois vont devenir dominants et, plus important encore, ils vont exporter le risque de contagion en cas de forte volatilité des prix, prévient M. Bielski.
(c) AFP