Brésil: le secteur pétrolier retrouve le sourire
"C'est une journée historique pour le secteur pétrolier au Brésil. Ces enchères représentent le début de la reprise des investissements, après la pire crise vécue par ce secteur dans notre pays", a affirmé Decio Oddone, directeur de l'Agence nationale du pétrole (ANP), lors de l'ouverture des enchères de mercredi, dans un hôtel de Rio de Janeiro.
Mardi, il avait estimé à seulement 500 millions de réais le total de "bonus à la signature" versé par les compagnies pour s'octroyer les droits d'exploration des gisements, en majorité offshore et répartis sur toute la longue côte du Brésil.
"Mon estimation était conservatrice et les sommes sont supérieures à nos attentes, même si nous étions conscients du potentiel d'attractivité des zones offertes", a concédé M. Oddone à la fin de la vente.
L'enjeu était de taille: le gouvernement du président conservateur Michel Temer mise sur ses enchères du secteur pétrolier pour montrer sa capacité à attirer les investisseurs étrangers afin de relancer une économie convalescente et combler un déficit public abyssal.
Les enchères de mercredi étaient considérées comme un "apéritif" pour une autre vente, prévue le 27 octobre, concernant le pré-sal, gisements pré-salifères (enfouis sous une épaisse couche de sel) au potentiel gigantesque, surveillé de près par les majors du pétrole.
Au total, le gouvernement espère obtenir plus de 80 milliards de dollars (environ 68 milliards d'euros) lors des ventes échelonnées jusqu'à la fin 2019.
Exxon et PetroBras frappent fort
"Le succès de ces premières enchères montre que les prochaines seront très disputées, avec un grand intérêt de la part des entreprises étrangères", explique à l'AFP Victor Martins, ancien directeur de l'ANP, aujourd'hui à la tête d'un cabinet de consultants spécialisé dans le secteur.
"Cela montre qu'en créant un environnement à nouveau propice aux investissements, les entreprises étrangères se remettent à considérer le Brésil comme une alternative", a affirmé à l'AFP le ministre brésilien de l'Énergie, Fernando Coelho Filho.
L'américain Exxon Mobil a été un des acteurs majeurs des enchères de mercredi, en s'associant notamment à la compagnie brésilienne d'État PetroBras pour s'assurer l'obtention de six blocs offshore dans la zone de Campos, où de nombreux spécialistes voient un fort potentiel pour de nouveaux gisements de pré-sal.
Pour l'un de ces blocs, les deux entreprises, associées à 50% au sein d'un consortium, n'ont pas hésité à payer 2,24 milliards de réais (environ 600 millions d'euros), montant record pour ce type de concession.
L'environnement en question
Pour Victor Martins, ces investissements témoignent de la "bonne santé financière de PetroBras", groupe au coeur d'un énorme scandale de corruption qui s'est lancé l'an dernier dans un vaste programme de cessions d'actifs pour tenter de sortir de trois années de lourdes pertes.
Malgré les résultats encourageants des premières enchères, l'euphorie pourrait être douchée par un problème récurent au Brésil: les licences environnementales.
"Les principales réticences du marché sont liées à des problèmes environnementaux. Dans les enchères d'aujourd'hui, la plupart des blocs situés dans des zones qui ont fait l'objet de décisions de justice à ce sujet n'ont pas reçu d'offres", rappelle Victor Martins.
Au total, seuls 13% des 287 blocs mis en vente ont trouvé preneur, alors que l'ANP s'attendait à 20 à 30%.
Selon le journal O Globo, 177 des 287 blocs mis aux enchères mercredi sont situés à proximité de réserves environnementales.
Le 29 août, le gouvernement brésilien a rejeté une étude d'impact environnemental du groupe pétrolier français Total autour de son projet d'exploration pétrolière dans l'embouchure de l'Amazone, menaçant d'y mettre fin faute de garanties sur la protection des récifs coralliens.
Les enchères de mercredi ont d'ailleurs été marquées des manifestations d'une centaine de militants écologistes contre l'exploitation d'énergies fossiles au Brésil.
(c) AFP