Le rêve américain du gaz de schiste s'évanouit en Pologne
Après l'optimisme initial exagéré, né des évaluations des gisements exploitables allant jusqu'à 1.920 milliards de mètres cubes et de l'intérêt affiché par des géants mondiaux, c'est la déception maintenant en Pologne, indique à l'AFP Grzegorz Kus, expert du cabinet international PricewaterhouseCoopers.
Le départ que vient d'annoncer l'américain Chevron suit ceux, l'an dernier, du français Total et de l'italien Eni. D'autres géants, tels Exxon, Talisman et Marathon Oil, l'avaient fait encore plus tôt.
Ce n'est pas une surprise et ce n'est pas le dernier abandon. Il s'est avéré que ce marché n'est pas aussi intéressant qu'on le pensait, explique M. Kus.
Selon lui, les faibles résultats des prospections menées jusqu'à présent, la baisse des prix des carburants sur le marché mondial et les perspectives d'extraction plus intéressantes dans d'autres parties du monde, ainsi que la bureaucratie polonaise et des annonces de hausses d'impôts dans le secteur en Pologne, sont à l'origine du retrait de grands groupes.
- Prix du pétrole -Chevron a expliqué le sien par la réduction de ses investissements, consécutive à la chute des prix du pétrole qui affecte sa rentabilité. Cette décision est due, selon le groupe, au fait qu'il a dû faire des choix entre les différents projets figurant dans son portefeuille. Il a estimé notamment que les opérations polonaises étaient moins lucratives que d'autres projets.
Cependant, selon Andrzej Szczesniak, expert polonais du secteur de l'énergie, ce sont les conditions géologiques qui ont été décisives.
Sur l'ensemble de 68 forages de prospection effectués jusqu'à présent à travers la Pologne aucun n'a apporté de résultat positif en termes de rentabilité, affirme-t-il.
On ne peut plus parler d'Eldorado. Les espoirs et les promesses étaient démesurés, estime pour sa part Grazyna Piotrowska-Oliwa, l'ancienne présidente du groupe gazier polonais PGNiG, même si les résultats officiels des recherches n'ont pas encore été publiés.
Plus prudente, la porte-parole du ministère polonais de l'Environnement, Katarzyna Pliszczynska, déclare à l'AFP: à l'étape actuelle, il est prématuré de parler des résultats des prospections.
De nouvelles évaluations officielles des gisements sont attendues cette année.
Les forages vont continuer. Nous allons poursuivre les prospections, même si les dernières ne se sont pas soldées par des succès, a déclaré mardi la Première ministre polonaise Ewa Kopacz.
Les travaux sont poursuivis par une quinzaine de groupes dont ConocoPhillips, Wisent Oil&Gas, Stena, et les polonais PGNiG, PKN Orlen et Lotos.
Ce n'est pas encore définitivement terminé, estime M. Szczesniak. Selon lui, toute découverte de gisements rentables va raviver les espoirs.
Soucieuse de garantir son indépendance énergétique, la Pologne, largement dépendante du gaz russe, avait annoncé des investissements de 12,5 milliards d'euros à l'horizon 2020 pour exploiter ses gisements de gaz de schiste.
Si ces gisements étaient avérées, ils placeraient la Pologne en 3e position parmi les pays européens riches en gaz, derrière la Norvège et les Pays-Bas, selon l'Institut national de géologie. Les annonces initiales du gouvernement polonais avaient fait état d'une exploitation commerciale de gaz de schiste à partir de 2014, ce qui ne s'est pas fait.
La Pologne, pays de 38 millions d'habitants et première économie d'Europe centrale et orientale, consomme actuellement environ 16 milliards de m3 de gaz par an, dont deux tiers sont importés, principalement de Russie.
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