L'agrandissement d'un oléoduc suspendu au Canada, revers pour Trudeau
Au même moment, les actionnaires de la société texane Kinder Morgan approuvaient à 99,98% la vente de ce pipeline au gouvernement, qui a souhaité le nationaliser afin de régler une fois pour toutes l'épineuse question de la dépendance du Canada aux États-Unis pour écouler son or noir.
Ottawa conclura cette vente dès vendredi, a annoncé dans la foulée le ministre fédéral des Finances Bill Morneau, indiquant que le gouvernement était en train d'étudier le jugement de la Cour d'appel fédérale.
L'ONE, une agence fédérale régissant ce type de projets d'infrastructures, "a de façon injustifiable défini la portée du projet de manière à ne pas inclure la circulation de navires-citernes connexe au projet", a déploré la juge Eleanor Dawson dans son jugement consulté par l'AFP.
Long de quelque 1.200 km, l'oléoduc Trans Mountain relie les champs pétroliers d'Alberta au littoral en traversant les montagnes Rocheuses mais, actuellement saturé, il doit voir sa capacité triplée à 890.000 barils par jour selon les plans de Kinder Morgan.
Or le projet est vivement combattu dans la province de Colombie-Britannique, d'où ce pétrole devrait être chargé sur des navires vers l'Asie, par les autorités locales, une coalition d'écologistes et des communautés autochtones qui avaient saisi la Cour d'appel fédérale.
Plusieurs communautés amérindiennes s'opposent à l'agrandissement de cet oléoduc, qui traverse leurs territoires ancestraux, pour de nombreuses raisons environnementales, en particulier la préservation de l'écosystème de la côte britanno-colombienne où vivent et viennent se reproduire nombre de mammifères marins en voie de disparition.
"C'est une victoire majeure pour les peuples autochtones, les groupes environnementaux et pour tous les Canadiens", a réagi Greenpeace.
Porte ouverte
"Il est temps que le Premier ministre (Justin) Trudeau se rende à l'évidence et prenne les milliards de dollars publics prévus pour ce projet et les investisse pour accélérer la transition vers une économie basée sur les énergies renouvelables", a dit à l'AFP Patrick Bonnin, responsable de la campagne Climat-Énergie de l'ONG écologiste.
Face aux incertitudes créées par les opposants à l'oléoduc, le gouvernement libéral avait annoncé fin mai son intention de l'acheter pour 4,5 milliards de dollars canadiens (3 milliards d'euros).
Ottawa avait accepté l'agrandissement de l'oléoduc en échange de la collaboration du gouvernement de la province de l'Alberta, coeur de l'industrie pétrolière canadienne, dans la lutte contre les gaz à effet de serre. M. Trudeau est déterminé à imposer une taxe nationale sur le carbone, mais celle-ci est vivement combattue par l'opposition conservatrice.
Selon un sondage publié jeudi par l'institut Abacus, 34% des Canadiens appuient la construction de l'oléoduc controversé, et 20% s'y opposent.
Dans sa décision, la Cour d'appel fédérale laisse toutefois la porte ouverte à une relance des travaux, à condition que l'Office national de l'Energie "prenne les mesures qui s'imposent, s'il le juge à propos, pour corriger ces vices et rendre par la suite une nouvelle décision en bonne et due forme".
La juge rappelle que l'agence fédérale elle-même "a conclu que l'augmentation du transport maritime résultant du projet risquerait d'entraîner des effets négatifs importants" sur les mammifères marins.
Ottawa avait pensé désamorcer ce qui est devenu une crise constitutionnelle en annonçant fin 2016 un plan de 1,5 milliard de dollars (1 milliard d'euros) afin de protéger son littoral et les écosystèmes marins.
(c) AFP