A Kirkouk, le retour des employés irakiens du pétrole chassés par les Kurdes
Chassés il y a trois ans par les combattants kurdes, les employés irakiens du secteur pétrolier sont de retour dans les vastes installations de la province de Kirkouk, au nord-est du pays.
Lorsque les peshmergas avaient pris le contrôle des immenses champs pétroliers de Bay Hassan et de Havana mais aussi des raffineries, ces employés avaient reçu l'ordre de leur direction de ne plus se présenter à leur poste et de rester au siège de la société d'Etat, la North Oil Company (NOC), à Kirkouk.
A l'entrée, les membres de la "police du pétrole" ont eux aussi repris du service comme les pompiers en combinaison rouge.
Peu de dégâts
Sur les voies asphaltées qui quadrillent la raffinerie, un groupe d'employés de la NOC procède "à un inventaire administratif pour connaître l'état de l'équipement", explique l'un d'eux à l'AFP.
A chaque poste, des techniciens évaluent l'ampleur des dégâts, visiblement limités. Seul un réservoir de stockage de pétrole en forme de globe a eu son couvercle arraché.
Au loin, des torches en flammes témoignent d'une activité pétrolière qui n'a pas cessé dans les environs.
La compagnie pétrolière publique "espère reprendre la production samedi soir ou dimanche matin", indique à l'AFP un cadre de la NOC qui préfère ne pas donner son nom.
Quand la production aura repris normalement, les six champs repris aux peshmergas dans la province de Kirkouk fourniront 340.000 b/j.
Mais, souligne le responsable de la NOC, la reprise de la production n'est pas le problème, ce qui donne du fil à retordre aux Irakiens c'est "le pompage jusqu'au port turc de Ceyhan".
Depuis les années 1980, l'Irak exportait son or noir via un oléoduc long de 970 kilomètres, reliant Kirkouk à Ceyhan en passant par le poste-frontière de Fichkhabour, situé dans le nord de l'Irak, à la frontière avec la Turquie et la Syrie.
Jusqu'à l'arrivée des jihadistes du groupe Etat islamique (EI) en 2014, entre 250.000 et 400.000 barils y transitaient chaque jour.
Mais l'EI s'est emparé à partir de 2014 de quasiment tous les territoires sur le tracé de cet oléoduc.
Les tronçons les plus importants n'ont été repris que récemment quand les forces irakiennes ont chassé les jihadistes de Sharqat, Baïji et Mossoul et les peshermergas de Kirkouk et Qayyarah.
Même si les forces gouvernementales ont de nouveau accès au poste-frontière de Fichkhabour, les combats et les pillages jihadistes ont laissé l'oléoduc hors d'usage.
Si les réparations des conduites sont réalisables rapidement, celles des stations de pompage "prendront des mois", assure le responsable de la NOC. Pour les experts, il faut compter deux ans pour obtenir les pièces nécessaires, fabriquées uniquement à l'étranger.
Appel aux compagnies étrangères
Bagdad dont le budget pâtit de la chute du brut et de trois ans de guerre contre l'EI, a déjà appelé la compagnie British Petroleum (BP) à "prendre au plus vite les mesures nécessaires pour développer les infrastructures pétrolières de Kirkouk".
BP avait dû interrompre ses études sur Baba Gargar, le plus vieux champ d'Irak dont l'exploitation remonte à 1927, et sur Havana lorsque les peshmergas en avaient pris le contrôle.
L'Etat irakien ne signe que des contrats de service pour garder le contrôle de ses ressources naturelles.
Bagdad a aussi rappelé les nouvelles règles du jeu en Irak en s'en prenant vivement, sans le nommer, à l'accord signé entre le géant semi-public russe du pétrole Rosneft avec les autorités kurdes pour un montant allant jusqu'à 400 millions de dollars (338 millions d'euros).
A Kirkouk, des blindés des forces irakiennes sont postés à intervalles réguliers pour garder les installations pétrolières.
Pour les habitants qui se savent assis sur une richesse majeure, ces champs de pétrole sont toutefois loin d'être une bénédiction. "Sans eux, tout le monde laisserait Kirkouk tranquille", répètent-ils à l'envi.
(c) AFP