Canada: un oléoduc provoque une crise inédite pour Justin Trudeau
Il va devoir regagner Ottawa dimanche entre le Sommet des Amériques qui finit samedi au Pérou et une tournée en France et au Royaume-Uni qui commence lundi.
L'agrandissement d'un oléoduc vers le Pacifique, autorisé par le gouvernement canadien, est à l'origine de cette crise. Le promoteur américain du projet menace de l'abandonner en raison de l'opposition farouche de la Colombie-Britannique.
Le projet de 7,4 milliards de dollars canadiens (4,8 mds d'euros) du groupe américain Kinder Morgan est actuellement le seul pouvant à court terme permettre à l'industrie pétrolière de l'Alberta, troisième réserve d'or noir de planète, d'écouler sa production croissante alors que le réseau canadien d'oléoducs est saturé.
Or la Colombie-Britannique, d'où ce pétrole devrait être chargé sur des navires vers l'Asie, y est résolument opposée et entend à nouveau porter l'affaire en justice, épaulée par une coalition d'écologistes et de communautés autochtones.
L'Alberta menace en retour la Colombie-Britannique de représailles économiques "très agressives".
M. Trudeau doit recevoir dimanche à Ottawa les Premiers ministres de Colombie-Britannique et d'Alberta "afin de discuter des prochaines étapes pour faire avancer le projet" d'oléoduc, a tweeté Cameron Ahmad, son porte-parole.
Redoutant de nouveaux retards dans ce projet autorisé en 2016, Kinder Morgan a suspendu dimanche les travaux d'agrandissement, réclamant de la "clarté" pour la suite des événements, et en particulier "sur la possibilité d'effectuer des travaux en Colombie-Britannique".
Plus d'essence ?
Le refus de la Colombie-Britannique, qui redoute qu'un accident vienne polluer ses côtes majestueuses, a déclenché l'ire du gouvernement de l'Alberta, une province dépendante de l'exploitation du pétrole et en manque d'oléoducs pour écouler sa production en augmentation constante.
L'industrie pétrolière canadienne se débat pour pouvoir construire de nouveaux oléoducs, notamment vers les provinces de l'est (Ontario, Québec et provinces maritimes). En leur absence, le Canada, septième producteur d'or noir de la planète avec une capacité de 3,9 millions de barils par jour, se retrouve obligé d'importer de l'étranger 670.000 barils par jour pour desservir ces régions, relevait cette semaine l'Office national de l'énergie.
Après avoir boycotté cet hiver le vin de Colombie-Britannique et cessé de lui acheter de l'électricité, l'Alberta menace de présenter lundi un projet de loi pour couper ses livraisons d'essence à la province voisine.
Le gouvernement fédéral étant le seul habilité à autoriser un oléoduc entre deux provinces, Justin Trudeau a appelé la Colombie-Britannique à "cesser son obstruction" face à ce "projet d'intérêt national".
Ottawa et l'Alberta envisagent également de prendre une participation dans l'oléoduc pour rassurer les investisseurs de Kinder Morgan.
Après avoir rejeté il y a un an et demi un autre oléoduc censé relier l'Alberta à la côte de Colombie-Britannique, M. Trudeau défend cette fois l'expansion du Trans Mountain et martèle que l'économie et la protection de l'environnement peuvent aller de pair.
Cette position comporte des risques pour Justin Trudeau en vue des élections législatives d'octobre 2019 après avoir été élu sur la promesse de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), dont le quart provient de l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta.
Or la Colombie-Britannique est l'une des trois provinces, avec l'Ontario et le Québec, ayant élu le plus de députés du parti de Justin Trudeau en 2015, tandis que l'Alberta n'en compte que trois sur les 183 libéraux à la Chambre.
La situation est plus périlleuse pour le Premier ministre de Colombie-Britannique, John Horgan, porté au pouvoir l'an dernier en faisant campagne contre l'oléoduc. La survie de son gouvernement minoritaire dépend du soutien de trois élus Verts, très hostiles au projet.
(c) AFP