Son pétrole au plus bas, l'Irak voit la disette arriver
Son unique source de devises se tarit, sa production pourrait drastiquement baisser à cause du nouveau coronavirus et ses exportations pourraient en pâtir pendant de nombreux mois.
Autant de défis que l'Irak doit impérativement relever sous peine de perdre la quasi-totalité de ses revenus et de voir s'écrouler sa quasi-unique industrie.
Comment payer les factures?
Avec un baril à 21 dollars, l'Irak essaye déjà de négocier des délais pour payer les trois milliards de dollars qu'il doit pour le trimestre écoulé aux compagnies pétrolières étrangères qui opèrent dans ses champs.
La semaine dernière, la Basra Oil Company (BOC) --la compagnie publique en charge du Sud-- a réclamé six mois et des abattements de 30% dans une lettre consultée par l'AFP.
"Nous avons besoin de temps pour payer le premier trimestre. Pour le deuxième trimestre, c'est juste au cas où", détaille Khaled Hamza Abbas, N.2 de la BOC, à l'AFP. Jusqu'ici, il n'a pas reçu de réponse à sa missive.
Mais les compagnies étrangères, comme ExxonMobil, ont déjà demandé à leurs sous-traitants de réduire leurs coûts, selon des échanges consultés par l'AFP.
"La pression est énorme pour économiser car les compagnies étrangères manquent de liquidité", affirme à l'AFP une source au sein d'une importante société opérant dans le Sud.
"Avec les prix bas, le gouvernement risque de se retrouver à donner tous ses barils pour payer et de ne plus avoir assez de barils à vendre", souligne un haut responsable irakien à l'AFP.
L'Etat tire plus de 90% de ses recettes des ventes pétrolières et tablait sur un baril à 56 dollars pour son budget 2020 qu'il tente toujours de faire voter.
Quel impact sur les employés?
La pandémie de Covid-19, qui a déjà fauché plus de 46.000 vies dans le monde, et le confinement ont également bouleversé les rotations des expatriés du secteur pétrolier en Irak, sous couvre-feu total --avec aéroports fermés-- jusqu'au 19 avril au moins.
Le champ de Gharraf dans la province méridionale de Zi Qar (100'000 b/j) est à l'arrêt depuis le départ en mars de dizaines d'employés de la compagnie malaisienne Petronas.
"Ces compagnies ont des règlements internes qui interdisent de maintenir les équipes sur site plus de deux mois", poursuit-il.
Pour une source au sein d'une importante compagnie européenne, suspendre les rotations des expatriés est bien plus dommageable à la production que les retards de paiement.
Où sont les acheteurs?
Au-delà de ses frontières, l'Irak doit aussi affronter une baisse mondiale de la demande, inédite depuis une décennie.
L'agence internationale de l'Energie (AIE), qui prévoyait une hausse de 80'000 b/j, a revu ses prospectives: la demande va baisser en 2020, de 90'000 b/j.
"Jamais dans l'histoire, on a vu une telle chute de la demande couplée à une telle abondance de l'offre", affirme à l'AFP son chef, Fatih Birol.
La demande se contracte particulièrement chez les deux premiers clients de l'Irak, la Chine --où est née la crise du coronavirus-- et l'Inde --confinée--, note Noam Raydan, spécialiste du pétrole irakien.
"Avril, c'est le mois où ça passe ou ça casse", affirme Mme Raydan. Mais en plus de tous les obstacles déjà cités, l'Irak doit désormais composer avec une concurrence qui change les règles du jeu.
Son premier compétiteur sur les marchés asiatiques, l'Arabie saoudite, s'est dite prête à inonder le marché dans le cadre d'une guerre des prix avec la Russie, faisant un peu plus dévisser les cours.
Et face à des clients avides de stabilité, Ryad l'emporte toujours face à Bagdad, régulièrement dans la tourmente des violences.
L'impact sera donc ressenti sur le long terme, prévient le haut responsable irakien.
"Les pays sont en train de s'approvisionner en pétrole à bon marché.
Donc, même si les répercussions ne se font pas ressentir maintenant, le vrai problème se posera dans les prochains mois quand personne n'achètera", affirme-t-il à l'AFP.
(c) Afp