Pétrole contre vin: deux provinces canadiennes se déchirent
L'une de ces provinces de l'Ouest, l'Alberta, est connue pour ses réserves de pétrole des sables bitumineux, les troisièmes de la planète et importante source d'émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada. L'autre, la Colombie-Britannique, est réputée pour ses montagnes et paysages grandioses, et de plus en plus pour son vin.
Les deux sont dirigées par des gouvernements sociaux-démocrates qui s'opposent sur le triplement de la capacité de l'oléoduc Trans Mountain, pour écouler 890.000 barils de pétrole par jour sur 1.150 km entre l'Alberta et la banlieue de Vancouver pour l'exporter vers l'Asie.
Berceau de l'organisation Greenpeace, la province du Pacifique craint qu'avec la multiplication inévitable des super-pétroliers dans la baie de Vancouver, un accident vienne polluer ses côtes majestueuses. Une menace brandie par les pêcheurs, l'industrie du tourisme et les Amérindiens.
Cette décision a déclenché l'ire du gouvernement de l'Alberta, une province très largement dépendante de l'exploitation du pétrole et en manque d'oléoducs pour écouler sa production en augmentation constante.
L'industrie pétrolière "soutient des dizaines de milliers d'emplois dans tout le pays", a rappelé la Première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, qui en représailles a décrété un embargo sur le vin britanno-colombien.
Cette mesure symbolique s'est ajoutée à l'annulation sine die des négociations pour l'achat d'environ un demi-milliard de dollars (325 millions d'euros) d'électricité à la Colombie-Britannique.
La querelle a rebondi à Ottawa, où le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, a parlé de "crise" en demandant cette semaine à Justin Trudeau d'interrompre un déplacement aux Etats-Unis et de rentrer au Canada pour "reprendre le contrôle de la situation".
Après avoir rejeté il y a un an et demi un autre oléoduc censé relier l'Alberta à la côte de Colombie-Britannique, M. Trudeau défend cette fois l'expansion du Trans Mountain et martèle que l'économie et la protection de l'environnement peuvent aller de pair.
"La décision que nous avons prise est dans l'intérêt national et nous allons la maintenir, c'est donc dire que nous allons agrandir l'oléoduc Trans Mountain", a assuré le Premier ministre libéral il y a quelques jours.
Cette position comporte des risques pour Justin Trudeau en prévision des élections de 2019, lui qui a été élu sur la promesse de réduire les émissions de GES, dont le quart provient de l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta.
Or la Colombie-Britannique est l'une des trois provinces avec l'Ontario et le Québec qui ont élu le plus de députés du parti de Justin Trudeau en 2015, tandis que l'Alberta n'en compte que trois sur les 183 libéraux à la Chambre.
La situation est plus périlleuse pour le Premier ministre de Colombie-Britannique, John Horgan, porté au pouvoir l'an dernier en faisant campagne contre l'oléoduc. La survie de son gouvernement minoritaire dépend du soutien des Verts, très hostiles au projet.
Des responsables du gouvernement canadien tentent de dénouer l'impasse entre les deux provinces qui restent pour l'instant à couteaux tirés, Rachel Notley abreuvant son compte Twitter de messages de soutien de Britanno-Colombiens.
(c) AFP