France: la fin de l'exploitation des hydrocarbures largement approuvée à l'Assemblée, malgré des failles
"La France signe une voie de sortie des énergies fossiles qui sera irréversible", s'est félicité dans l'hémicycle le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, à l'issue du vote (316 voix pour, 69 contre et 47 abstentions).
Le Sénat examinera le texte à partir du 7 novembre, en vue d'une adoption définitive d'ici à la fin de l'année.
Pour son premier texte devant le Parlement, l'ancien militant écologiste s'est livré à un exercice d'équilibriste, entre idéal et pragmatisme sur ce texte.
Pour concrétiser la promesse d'Emmanuel Macron de "sortir la France des énergies fossiles" (pétrole, gaz, charbon...), le projet de loi prévoit de ne plus délivrer de nouveau permis d'exploration d'hydrocarbures, liquides ou gazeux et les concessions d'exploitation existantes ne seront pas renouvelées au-delà de 2040.
Chef de file des députés LREM sur ce texte et ex-bras droit du ministre à la Fondation Hulot, Matthieu Orphelin a vanté "de vraies avancées, n'en déplaise à certains", et un travail parlementaire "qui a dépassé les clivages".
Le MoDem Bruno Duvergé a salué "un texte historique par sa portée". "La France sort de l'ambiguïté, on va jusqu'au bout de la logique" de la transition énergétique, a renchéri le socialiste Christophe Bouillon.
Pour LR, Julien Aubert a ironisé sur le fait que le texte traitait "0,00018%" de la production mondiale d'hydrocarbures. Seules 815.000 tonnes de pétrole sont produites par an, essentiellement dans les bassins parisien et aquitain, soit 1% de la consommation nationale.
Des voix divergentes se sont néanmoins fait entendre dans chaque groupe, comme chez les socialistes, où David Habib (Pyrénées-Atlantiques) est convaincu qu'"aucun pays au monde ne suivra la France".
"truffé de trous"
Lors des débats dans l'hémicycle, durant deux journées denses la semaine dernière, les députés ont cependant voté des exceptions, justifiées notamment par la nécessité de mieux "sécuriser" juridiquement le projet de loi. Ainsi la production pourra se poursuivre au-delà de 2040 si l'industriel titulaire d'un permis n'est pas rentré dans ses frais par rapport aux recherches préalables.
Une autre dérogation a été votée pour permettre la poursuite de l'exploitation du soufre du bassin de Lacq, sous l'impulsion de députés des Pyrénées-Atlantiques et au nom du maintien des emplois.
"Ce projet de loi est truffé de trous", a regretté Loïc Prud'homme (LFI), concluant son intervention par un appel à "Make Nicolas Hulot green again", en écho à l'appel d'Emmanuel Macron au président américain Donald Trump, qui a décidé de quitter l'accord de Paris sur le climat de 2015.
Globalement, Les Amis de la Terre, Attac France et 350.org jugent que "l'Assemblée nationale gâche une opportunité unique".
Pour Europe-Ecologie-Les Verts aussi, "la riposte des lobbies pétroliers a conduit à nombre de reculs". Les industriels se sont conduits "en représentants de commerce" à tous les niveaux de décision, ont assuré à l'AFP plusieurs parlementaires.
Même si jusqu'à ses plus farouches opposants au palais Bourbon ont salué sa capacité d'"écoute", le ministre ne sort pas indemne de ces débats.
L'ex-titulaire du portefeuille, Ségolène Royal (PS), a tiré dimanche une "petite sonnette d'alarme" sur plusieurs de ses dossiers, dont celui des hydrocarbures.
Peu avant le passage du projet de loi, Nicolas Hulot a en effet prolongé un permis exclusif d'exploration détenu par Total au large de la Guyane, ce à quoi Ségolène Royal s'était refusée, malgré de "très fortes pressions".
(c) AFP