Les géants du pétrole s'enfoncent dans la crise
"Je doute fort d'un redressement en 2016", résume Christopher Dembik, économiste chez Saxo Bank.
La compagnie américaine Chevron, qui a ouvert le bal des résultats fin janvier, a vu son bénéfice de 2015 englouti par le plongeon du pétrole, enregistrant même sa première perte trimestrielle en 13 ans sur les trois derniers mois de l'année.
Le géant français Total, qui dévoilera ses résultats annuels le 11 février, ne devrait pas être en reste, son PDG Patrick Pouyanné ayant laissé entendre qu'ils seraient en repli de 20%. Dans tous les cas, l'entreprise ne peut pas faire bande à part, souligne M. Dembik.
Il faut dire que le prix du baril a fondu de 47% en 2015 par rapport à l'année précédente, atteignant 52 dollars en moyenne, et de plus de 70% depuis juin 2014, victime d'une offre excédentaire alimentée par la guerre de parts de marché entre le pétrole de l'OPEP, Arabie saoudite en tête, et les hydrocarbures de schiste américains. Il s'est même enfoncé sous la barre des 30 dollars en janvier dernier avant de se redresser légèrement.
L'Arabie saoudite n'a aucune raison de réviser sa stratégie. On est donc toujours sur une stratégie de pétrole bas. Je pense qu'on n'a pas atteint le prix plancher, même si on devrait avoir une stabilisation autour de 30 dollars le baril, estime l'économiste de Saxo Bank.
Même cause, mêmes effets: pour résister, les majors continuent à tailler dans leurs dépenses, en réduisant encore plus leurs investissements et en amplifiant les suppressions d'emplois, qui se comptent déjà en plusieurs dizaines de milliers.
Selon l'organisme de recherche français IFP Energies Nouvelles, les investissements en exploration-production se sont effondrés de 21,1% à 539 milliards de dollars en 2015, et ils devraient continuer à se replier de 10% cette année.
- Le parapétrolier souffre plus
Les majors ont encore des marges de manoeuvre pour réduire leurs coûts, estime l'analyste Alexandre Andlauer, d'AlphaValue. Il y a encore du potentiel de baisse, parce qu'il y a encore beaucoup de gras dans ces sociétés, affirme-t-il, citant l'exemple de Shell, où le coût salarial moyen des 94.000 employés s'élevait à 214.000 dollars en 2014.
Aucun des groupes, à l'exception de l'italien Eni, ne s'est toutefois encore résolu à couper dans les dividendes, même si certaines, comme Total, n'excluent pas de verser un dividende en actions afin de réduire les sommes à débourser.
D'un point de vue industriel, c'est troublant, juge M. Andlauer, car une baisse des investissements ampute les revenus futurs en abaissant les perspectives de production.
L'horizon est encore plus sombre pour les entreprises du secteur parapétrolier, dont les françaises CGG, Technip, Bourbon ou Vallourec, pressées de réduire leurs coûts par les compagnies pétrolières qui achètent leurs équipements et services.
C'est un peu la variable d'ajustement du secteur, donc la pression est beaucoup plus forte, relève Christopher Dembik. Le secteur parapétrolier n'a pas fini de souffrir, abonde Alexandre Andlauer.
Selon l'IFP EN, l'activité du secteur de la géophysique s'est effondrée de 28% l'an dernier et celui du forage de 27%. La tendance devrait se poursuivre cette année, avec un repli de respectivement 10% et 6%.
(c) AFP