Fini l'âge d'or noir, la capitale norvégienne du pétrole a la gueule de bois
Et voilà, encore un non. Roger Schurmeyer montre le énième rejet de candidature qui vient de tomber sur son smartphone. Âgé de 36 ans, cet ancien manager de solutions audiovisuelles pour Statoil, victime des programmes d'économies du géant pétrolier, est sans emploi depuis près d'un an.
Je travaille depuis que j'ai 16 ans et je n'avais jusqu'à présent jamais été au chômage. Ça fait bizarre, confie-t-il dans son appartement de la périphérie verdoyante de Stavanger. J'ai entendu que 300 ou 400 personnes postulent pour le même emploi, alors c'est compliqué, soupire-t-il.
En cause : la dégringolade du cours du baril, passé de plus de 100 dollars début 2014 à environ 45 dollars aujourd'hui, ce qui incite les compagnies pétrolières à sabrer leurs investissements.
- Reconversion
L'ancien village de pêcheurs est devenu une opulente cité de 130.000 âmes après la découverte en 1969 d'Ekofisk, un immense gisement offshore encore en exploitation qui a fait entrer la Norvège dans l'ère de la prospérité.
Signe que les temps sont devenus difficiles, trois navires de services pétroliers languissent aujourd'hui désoeuvrés au mouillage, à la sortie de la ville, et la compagnie aérienne SAS vient d'arrêter sa liaison directe avec Houston, haut lieu de l'or noir outre-Atlantique.
Je vérifie le prix du pétrole presque tous les jours, confie Christine Sagen Vestbø, maire depuis 2011.
Quand l'édile conservatrice a entamé son premier mandat, la principale difficulté était d'attirer assez d'ingénieurs pour satisfaire la demande. C'était l'endroit de Norvège où il se vendait, proportionnellement, le plus de Porsche.
Désormais, le défi est de préserver et créer des emplois. L'heure est à la reconversion.
Je pense que ça va encore empirer en 2016, estime Mme Sagen Vestbø. Nous devons développer plus de postes dans la santé, dans les énergies renouvelables. Nous possédons la technologie du secteur pétrogazier, nous devons l'utiliser dans le solaire et dans l'éolien à terre et en mer.
- Fini le faste
Au Café de France, restaurant haut de gamme où le menu trois plats servi dans des assiettes Versace coûte 70 euros, les déboires de l'offshore se font clairement ressentir: les réservations d'entreprises pour les fêtes de Noël sont moins nombreuses et les hommes d'affaires de passage plus rares.
Il y aura toujours des affaires à conclure, mais les entreprises ont désormais des règles très strictes pour les sorties avec les clients et l'on voit de plus en plus de gens faire l'aller-retour dans la journée plutôt que de dîner en ville et de passer la nuit, explique Emil Heimdal, propriétaire de l'établissement.
On réduit sur le champagne et on sert un crémant de Bourgogne ou un autre vin mousseux à la place, dit-il aussi. On vivait sans doute trop bien avant.
Idem dans l'immobilier. Même si les comparaisons sont hasardeuses, le coût à l'achat moyen du mètre carré dépassait il n'y a pas si longtemps celui d'Oslo. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Les prix baissent, particulièrement depuis la fin de l'été, et surtout, les maisons à vendre restent sur le marché nettement plus longtemps, relève Jan Georg Byberg, chef d'une agence en centre-ville.
On a trop de vendeurs et pas assez d'acheteurs, dit-il. La nouveauté, c'est que les gens vendent avant d'acheter. La psychologie a changé: vous êtes inquiets du prix que vous pouvez obtenir.
À Sandnes, dans la grande banlieue de Stavanger, Roger Schurmeyer dit ne pas encore stresser. Mais il envisage d'étendre son champ de recherche. Quand vous êtes sans emploi depuis 11 mois, ça vous change. Le travail me manque, dit-il.
(c) AFP