ExxonMobil exonérée après accusations de tromperie sur le changement climatique
Dans une décision de 55 pages, le juge Barry Ostrager a estimé que la procureure de l'Etat de New York, qui avait voulu présenter ce dossier comme une illustration des efforts de dissimulation dont seraient coupables les compagnies pétrolières sur le changement climatique, n'avait pas réussi à présenter "des preuves prépondérantes qu'ExxonMobil" ait "fait des déclarations ou des omissions sur ses pratiques et procédures ayant trompé des investisseurs responsables".
L'Etat de New York, un bastion démocrate qui se veut à la pointe de la lutte contre le changement climatique, n'a notamment "cité aucun témoin affirmant avoir été induit en erreur", a souligné le juge. Et tous les témoins cités, par l'accusation comme par la défense, se sont exprimés "de façon uniformément favorable à ExxonMobil", a-t-il ajouté.
La décision est un camouflet pour la procureure de New York Letitia James, dont la plainte contre ExxonMobil avait fait suite à quelque trois ans d'enquête.
Dans un bref communiqué mardi, elle s'est néanmoins félicitée d'avoir "obligé ExxonMobil à répondre publiquement de décisions internes qui ont trompé les investisseurs", et a promis de "continuer à se battre pour mettre fin au changement climatique."
ExxonMobil a fustigé pour sa part un dossier qui a entraîné "le gâchis de millions de dollars des contribuables, sans faire avancer les efforts pour réduire le risque de changement climatique".
L'entreprise "continuera à investir dans la recherche de technologies innovantes de réduction des émissions, tout en répondant à la demande croissante d'énergie de la société", a-t-elle ajouté.
Si beaucoup de militants pour l'environnement avaient vu dans cette affaire l'emblème du mépris des compagnies pétrolières pour leur impact sur le réchauffement climatique, le dossier était très technique: les audiences ont tourné autour d'outils pointus utilisés par l'entreprise pour évaluer la rentabilité d'investissements potentiels ou établir des projections à très long terme sur son activité.
Pour le procureur, cette présentation était "trompeuse", et se serait traduite par une surévaluation des actions du groupe, avec des dommages pour les actionnaires se chiffrant potentiellement à 1,6 milliard de dollars.
L'entreprise, et notamment M. Tillerson, avait reconnu avoir utilisé deux estimations différentes du coût carbone mais avait expliqué que cela correspondait à des niveaux de projection très différents, l'un "stratégique", l'autre plus "micro-économique", sans conséquences sur ses comptes ni sur les investisseurs.
M. Tillerson, qui a dirigé ExxonMobil de 2007 à 2016, avait même longuement témoigné pour expliquer l'importance croissance que l'entreprise, sous son règne, avait accordé au risque climatique.
Ce jugement new-yorkais pourrait cependant n'être qu'un début.
Les spécialistes s'attendent à ce que les actions en justice liées au changement climatique contre les compagnies énergétiques se multiplient aux États-Unis.
Des villes et comtés de Californie, comme d'autres Etats américains, ont déjà porté plainte en justice pour réclamer le paiement des dégâts ou des travaux rendus nécessaires par le réchauffement.
Et l'Etat du Massachusetts a porté plainte contre ExxonMobil fin octobre, accusant l'entreprise d'avoir trompé les investisseurs mais aussi les consommateurs sur l'impact climatique de ses produits.
(c) AFP