Rosneft obtient en justice des dommages massifs liés à son rachat de Bachneft
Un tribunal d'arbitrage de la région du Bachkortostan (sud) a ordonné le versement de 136 milliards de roubles (1,9 milliard d'euros au taux actuel) par AFK Sistema, qui a aussitôt dit vouloir faire appel, ont rapporté les agences russes.
Ce montant est moins élevé que les 171 milliards de roubles réclamés par Rosneft mais une telle somme, si elle était confirmée en appel, représenterait l'une des condamnations les plus lourdes ordonnées par la justice russe.
Le porte-parole de Rosneft, Mikhaïl Leontiev, cité par les agences russes, s'est réjoui que le tribunal lui ait donné raison sur le fond et indiqué que les juristes du groupe étudieraient le jugement pour décider d'un éventuel appel pour tenter d'obtenir l'intégralité de la somme réclamée.
Cette affaire tient en haleine les investisseurs en Russie en raison de son caractère hors norme, notamment par les montants en jeu qui ont éclaboussé d'autres entreprises majeures: la justice a gelé de manière conservatoire des actifs d'AFK Sistema dont près du tiers du capital du premier opérateur russe de téléphonie mobile MTS.
Elle constitue par ailleurs un nouvel épisode du feuilleton politique, judiciaire et financier qui a accompagné le changement de propriétaire de Bachneft depuis trois ans, parfois comparé à l'affaire Ioukos qui avait marqué la mise au pas des oligarques par Vladimir Poutine au début des années 2000.
L'issue de cette affaire était redoutée des milieux d'affaires qui y voient un signe des risques encourus par les investisseurs en Russie, susceptibles non seulement de perdre leurs actifs dans un tribunal mais aussi de se voir devoir payer des pénalités pour les décisions, pourtant légales, prises dans la gestion de ces actifs.
Ce jugement "sans exagération, a une signification négative décisive pour le développement économique de notre pays", a insisté le porte-parole de Sistema, Sergueï Kopytov, cité par l'agence Interfax. Selon lui, le tribunal "a mis en doute la légalité de procédures standard pour les entreprises, comme la préparation d'une introduction en Bourse, le rachat d'actions".
Fin 2014, la justice avait annulé la privatisation, dix ans plus tôt, de Bachneft qui était ainsi revenu dans le giron de l'Etat, valant à Vladimir Evtouchenkov un passage en détention. Ensuite, les pouvoirs publics ont revendu la majorité du capital à Rosneft pour près de cinq milliards d'euros pour renflouer les comptes publics mis à mal par l'effondrement des cours du pétrole.
Ce dernier a été inculpé et limogé par la suite pour avoir, selon les services d'enquête, exigé de M. Setchine le versement de deux millions de dollars en guise de reconnaissance. Son procès s'est ouvert la semaine dernière.
Ces affaires ont été interprétées par certains observateurs comme de nouveaux signes de la toute puissance d'Igor Setchine, familier du président depuis les années 1990, et artisan de la croissance spectaculaire du groupe depuis 15 ans, souvent à l'issue de décisions de justice.
L'ex-oligarque et opposant Mikhaïl Khordokovski le désigne comme le cerveau du démantèlement par la justice, au début des années 2000, de son groupe pétrolier Ioukos, dont de nombreux actifs ont été repris par Rosneft pour une affaire de fraude fiscale qu'il a jugé politiquement motivée.
(c) AFP