Les majors pétrolières restent prudentes malgré d'énormes bénéfices
La saison des résultats annuels a confirmé la bonne santé retrouvée du secteur. Total a ainsi annoncé cette semaine un bénéfice net annuel en progression de 39% à 8,6 milliards de dollars. Ses concurrents BP, Chevron, ExxonMobil ou encore Royal Dutch Shell ont également accumulé les profits.
"2017 fut l'une des meilleures années de l'histoire récente de BP", a même résumé Bob Dudley, le directeur général du groupe britannique.
L'an dernier, les cours du pétrole se sont établis à 54 dollars le baril en moyenne contre 44 dollars en 2016. Le baril de Brent de la mer du Nord évolue aujourd'hui autour des 70 dollars.
Les majors en ont profité pour gâter leurs actionnaires, impatients après plusieurs années de vaches maigres, sous forme de hausse des dividendes et/ou de programmes de rachat d'actions.
Mais ce n'est pas pour autant le retour des années fastes. A la suite de la chute des cours il y a trois ans et demi, les majors avaient taillé dans leurs coûts et réduit leurs investissements. Après s'être adaptées pour être rentables avec des cours plus bas, elles n'ont pas pour autant l'intention de lâcher la bride.
Le patron de Shell Ben van Beurden avait résumé cet état d'esprit l'an dernier en assurant qu'il travaillait désormais comme si les cours du pétrole allaient rester "plus bas pour toujours" ("lower forever").
"Hésitations et incertitudes"
"On maintient tous ces programmes d'économies malgré la montée des cours du brut", a confirmé cette semaine le PDG de Total, Patrick Pouyanné.
Ils avaient légèrement rebondi de 4% à 389 milliards de dollars au niveau mondial l'an dernier et devraient encore modestement progresser de 2 à 6% cette année, estime l'IFP Energies nouvelles, dans des prévisions dévoilées cette semaine. Un niveau qui reste toutefois bien loin des 683 milliards de dollars de 2014.
Cette hausse, très inégale en fonction des régions, est aussi largement tirée par l'Amérique du Nord et les compagnies indépendantes qui y produisent des hydrocarbures non conventionnels. Les majors ont pour leur part encore vu leurs dépenses baisser de 16%.
"Les dirigeants des grandes compagnies pétrolières ont certes poussé un soupir de soulagement parce que la hausse des cours a tiré significativement les résultats", indique David Elmes, spécialiste de l'énergie à la Warwick Business School.
"Mais il reste aussi des hésitations et des incertitudes sur le long terme, qui limitent tout retour à un développement à pleine vitesse", résume-t-il.
Les compagnies restent en effet circonspectes car l'évolution des cours demeure plus incertaine que jamais. La demande devrait rester solide, du côté de la Chine et de l'Inde en particulier, mais le rééquilibrage du marché est menacé par un possible afflux opportuniste du pétrole de schiste américain.
"Je suis sûr que les compagnies indépendantes américaines vont de nouveau investir beaucoup pour profiter d'un baril à 60 dollars et produire plus d'huiles de schiste. Donc nous allons avoir de la volatilité sur le marché", prédit ainsi Patrick Pouyanné.
(c) AFP