L'intransigeance de l'Opep renforce l'incertitude sur les marchés pétroliers
Personne ne peut prédire l'avenir, a averti dimanche le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi, dont le pays pompe le tiers des 30 millions de barils par jour (mb/j) de l'Organisation des pays producteur de pétrole (Opep).
Nous devons attendre et voir si l'extraction du pétrole de schiste peut continuer après l'effondrement des cours, a-t-il dit lors d'un forum arabe sur l'énergie à Abou Dhabi. Il y a plusieurs (sources de) pétrole, autres que le schiste, à faible rentabilité. Elles seront considérablement affectées.
Mais cela pourrait prendre un, deux ou trois ans. Nous ne savons pas ce qui se passera. Ce qui est certain cependant, c'est que les producteurs à haut rendement vont dominer le marché à l'avenir, a indiqué le ministre, en référence aux sources d'énergie fossile exploitées à bas coûts au Moyen-Orient.
Selon la directrice exécutive de l'Agence internationale de l'Energie (AIE), Maria van der Hoeven, l'évolution du marché au cours des 12 à 18 prochains mois sera déterminante pour juger de l'avenir des producteurs de pétrole de schiste et de sable bitumineux, coûteux à extraire.
Ces derniers, comme les Etats-Unis et le Canada, devraient en effet connaître des problèmes d'investissements à cause de la baisse des recettes pétrolières. Selon des analystes, les problèmes commenceraient en dessous des 70 dollars le baril pour ces producteurs.Or le prix du baril est tombé à environ 60 dollars, contre 115 en juin, une dégringolade qui s'est accentuée après la décision prise fin novembre par l'Opep, qui pompe le tiers du pétrole mondial, de ne pas réduire sa production.
L'Arabie saoudite et ses partenaires du Golfe ont ainsi dérogé à leur politique des trois dernières décennies, qui consistait à réguler les cours en réduisant ou augmentant leur production.
Mais leur objectif est désormais de préserver leur part de marché au détriment des pays non membres du cartel, comme la Russie, et des producteurs non-conventionnels de pétrole.
- 'Changement dans les flux pétroliers'
L'effondrement des cours du brut est en bonne partie lié à un changement fondamental sur le marché mondial de l'énergie.
D'un côté, les prix élevés du pétrole ont poussé des pays à se tourner vers des sources d'énergies plus efficaces ou renouvelables, tandis que, de l'autre, les améliorations technologiques favorisaient un boom du pétrole de schiste.
Au fur et à mesure que leur production de pétrole de schiste augmentait, les Etats-Unis ont réduit ou cessé leurs importations pétrolières d'Afrique de l'Ouest, du Moyen-Orient et d'Amérique latine, poussant ces pays à entrer en compétition pour conquérir les marchés asiatiques.
Cela a créé un changement dans les flux pétroliers internationaux, estime le directeur de l'Institut Osford pour les études énergétiques, Bassam Fattouh.Mais, selon lui, la surabondance actuelle de l'offre et la faiblesse globale de la demande, causée par la fragilité de l'économie mondiale, vont résulter en une augmentation des stocks en 2015 et donc en de nouvelles pressions à la baisse sur les prix.
D'autant qu'avec le retour possible de l'Iran sur le marché en cas d'accord sur le dossier nucléaire, avec l'augmentation prévue de la production irakienne et avec la hausse toujours envisageable, bien que très hypothétique, de la production libyenne, ce sont quelque 3 millions de barils par jour (mb/j) qui pourraient être mis en plus sur le marché.
A terme, conclut M. Fattouh, le risque existe que la baisse des prix du pétrole affecte l'ensemble de l'industrie de l'énergie, au-delà des seuls producteurs pétroliers.