L'Opep plafonne sa production, mais met en sommeil le système des quotas
L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) s'est engagée mercredi à Vienne à maintenir la production conjuguée de ses douze membres à son niveau actuel de 30 millions de barils par jour (mbj).
Pour Julian Jessop, analyste du cabinet britannique Capital Economics, "il s'agit d'un grand rattrapage avec la réalité, qui n'avait que trop tardé".
De fait, les onze pays du cartel soumis à des quotas (l'Irak en est exclu) ont pompé en novembre près de 28 mbj, alors que ces quotas (inchangés depuis trois ans) étaient fixés à 24,84 mbj.
"Les ministres de l'Opep ont simplement ratifié leur surproduction des dernières années, et justifié a posteriori leur non-respect des quotas", a indiqué à l'AFP John Hall, un analyste indépendant.
Les quotas étaient "de vieux chiffres tout à fait dépassés", a renchéri Andrey Kryuchenkov, analyste de VTB Capital.
"Les Etats veulent préserver le niveau des prix du baril au-dessus de 100 dollars, en établissant un objectif de production correspondant à ce qu'ils pompent actuellement" pour ne pas donner l'impression d'inonder le marché d'or noir en-dehors de toute limite, a-t-il estimé.
La question est d'autant plus cruciale que l'Opep, comme l'Agence internationale de l'Energie (AIE), ont révisé en forte baisse mardi leurs prévisions de demande énergétique mondiale pour 2012, sur fond de net ralentissement de la croissance économique.
Cependant, pour que le plafond visé soit respecté, "certains pays vont devoir réduire leur production pour laisser de la place au retour du pétrole libyen", a insisté mercredi le secrétaire général de l'Opep Abdallah El-Badri.
La production de la Libye, interrompue pendant le conflit, a redémarré de façon fulgurante depuis septembre: elle a déjà atteint 1 mbj, et devrait augmenter de 600'000 barils quotidiens supplémentaires d'ici à juin, a annoncé M. El-Badri. Ce qui suppose que d'autres pays réduisent parallèlement leur offre d'autant.
Ayant fortement gonflé sa production depuis mai pour compenser la pénurie de brut libyen, l'Arabie saoudite, premier producteur du cartel, "serait ainsi censée réduire son offre de 1 mbj (autrement dit de 10%) en janvier, ce qui paraît douteux", a réagi Torbjorn Kjus, analyste de DNB Bank.
Or l'Opep n'a pas déterminé de nouveaux quotas pour chacun des Etats membres, et s'en remet à leur bonne volonté.
"Sans objectifs de production redéfinis par pays, l'importance du plafond total pourrait s'avérer moins grande qu'il n'y paraît: on ne sait pas clairement si le système des quotas a été abandonné, mais concrètement, il ne signifie plus grand chose", a relevé Julian Jessop.
"Il faudra évidemment réviser ces quotas, mais ce n'est pas le bon moment, nous ne le ferons pas avant que la production libyenne revienne à son niveau d'avant-guerre", s'est justifié le secrétaire général de l'Opep, interrogé par l'AFP.
L'analyste John Hall n'y croit pas beaucoup : "Je pense qu'ils en resteront là. Le système des quotas n'a pas marché, et imposer à nouveau des réductions de production aux Etats ne marchera pas".
L'Opep n'a développé son système de quotas qu'à partir des années 1980, une bonne vingtaine d'années après sa création.
A court terme, "comme la demande continue de progresser, même si elle le fait à un rythme ralenti, les baisses de production rendues nécessaires seront limitées", a tempéré Helen Hunton, de Standard Chartered.
Mais au-delà, le respect du nouveau plafond dépendra avant tout des sacrifices concédés par l'Arabie saoudite, qui voit ainsi se renforcer in fine son rôle de faiseur d'équilibre sur le marché mondial.
ds
(AWP / 15.12.2011 10h31)