Pétrole: après l'Opep, l'avenir des prix du brut reste flou
Après une forte baisse sur les marchés jeudi après-midi, dans la foulée de la décision, le baril tentait de se stabiliser vendredi matin. Vers 10H45 GMT, le brent valait 72,80 USD (+22 cents) et le WTI 69,03 (-4,66 USD par rapport à la clôture de mercredi).
Face à des prix sans cesse en repli, certains pays de l'Opep demandaient au cartel de réduire sa production pour faire remonter les cours, en vain.
Les pétromonarchies du Golfe, qui ont le plus de marge de manoeuvre financière au sein du cartel, ont dit non. Avec une idée bien précise: endurer des prix bas le temps d'enrayer l'essor du pétrole de schiste, plus cher à produire.
"C'est la victoire de la coalition des pays du Conseil de coopération du Golfe menée par l'Arabie saoudite et le Koweït", explique à l'AFP Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque à Paris.
"Ils ont largement les réserves de change suffisantes pour supporter un baril bas", selon lui.
Par ricochet, cela permet aussi à l'organisation de maintenir sa part de marché, qui se faisait grignoter ces derniers temps par d'autres pays, comme les Etats-Unis ou la Russie.
"Aujourd'hui, il y a beaucoup de concurrents, et l'Opep pompe seulement 30% de la production mondiale", a déclaré le ministre koweïtien, Ali Omair. "Il était inévitable de prendre la bonne décision de ne pas réduire la production, car une réduction peut être compensée par d'autres".
Pour le futur du marché, "le rôle clé devrait être joué par les producteurs de pétrole de schiste américain, qui vont faire face à de plus en plus en plus de problèmes avec un baril sous 70 USD", selon les analystes de Commerzbank.
Même si "énormément d'exploitations américaines peuvent encore résister avec un baril aux alentours de 60 USD", selon M. Dembik, pour qui "l'idée de l'Arabie saoudite est surtout de dissuader toutes les recherches en cours en Russie et en Chine dans le schiste".
Si l'analyste de Saxo pense que les prix vont reculer avant de remonter un peu et se stabiliser, ceux de de CM-CIC Securities jugent que "la chute du prix devrait donc se poursuivre au cours des prochains mois, ce qui aura des conséquences fortes sur l'économie mondiale".
C'est "une très bonne nouvelle pour les économies occidentales d'avoir des prix du pétrole qui baissent. Cela génère potentiellement beaucoup plus de pouvoir d'achat que n'importe quelle mesure prise par un gouvernement", analyse pour l'AFP Régis Bégué, directeur de la gestion Actions de Lazard Frères Gestion.
LE VENEZUELA "VRAIE VICTIME"
Vu le rôle essentiel du pétrole dans la vie économique, l'inscription dans la durée d'une énergie bon marché provoque des secousses dans toutes les sphères économiques.
En Bourse, les groupes pétroliers ou parapétroliers se faisaient laminer vendredi, tandis que les compagnies aériennes, grosses consommatrices, décollaient, à l'image de Japan Airlines qui a pris 5,27% ou Air France, qui progressait de 4,78% vers 10H45 GMT.
Surtout, certains autres pays producteurs, plus exposés, vont vivre douloureusement cette décision de Vienne.
Vendredi matin, le rouble continuait sa longue dégringolade et un des indices de la Bourse moscovite baissait fortement, alors que la Russie, gros producteur, est déjà accablée par les sanctions occidentales et les fuites de capitaux provoquées par la crise ukrainienne.
Mais "la vraie victime, aujourd'hui, c'est le Venezuela", estime M. Dembik. Un pays dont les finances sont en piteux état, même si un certain flou règne autour des statistiques publiées par Caracas.
Régulièrement, le crainte d'un défaut de paiement est avancée par certains commentateurs, mais le ministre des Affaires étrangères Rafael Ramirez a assuré que le budget "est bâti avec un baril à 60 USD, et nous sommes prêts à faire face".
"Nous continuerons de tenter jusqu'à ce que les cours reviennent aux niveaux auxquels ils doivent être, c'est-à-dire autour de 100 dollars", a commenté après la décision de l'Opep le président Nicolas Maduro.
En zone euro, la nouvelle n'est pas très bonne dans l'immédiat puisque une baisse du brut va contribuer à accentuer les pressions déflationistes, alors que l'inflation n'a été que de 0,3% en novembre.
Mais les effets réels et durables restent inconnus. "On est entré dans un nouveau paradigme", estime M. Dembik. "Les conséquences de court terme ne permettent pas d'avoir une vision de long terme".