Les prix du brut dégringolent, la décision de l'AIE ébranle les marchés
Vers 16H00 GMT (18H00 HEC), le baril de Brent de la Mer du Nord pour livraison en août chutait à Londres de 6,76 dollars à 107,45 dollars, après être descendu vers 13H50 GMT à 105,72 dollars, son plus bas niveau depuis le 6 mai.
A New York, le baril de "light sweet crude" (WTI) pour la même échéance lâchait quant à lui 4,46 dollars à 90,95 dollars, après être brièvement descendu sous le seuil des 90 dollars pour la première fois depuis fin février.
Les 28 pays membres de l'AIE, qui regroupe les pays industrialisés, puiseront 60 millions de barils de pétrole dans leurs stocks stratégiques afin de compenser l'arrêt depuis février des exportations libyennes, a indiqué jeudi l'institution.
Une façon d'enrayer l'envolée des cours du brut, qui ont bondi de plus de 20% à Londres depuis fin janvier, dopés par les tensions sur l'offre.
Dès cette annonce, les cours du pétrole, qui évoluaient déjà en forte baisse, ont accéléré leur dégringolade, lâchant momentanément plus de 8 dollars à Londres, pénalisés par la perspective de l'arrivée d'un fort volume de pétrole sur le marché.
"L'AIE a pris par surprise les investisseurs, avec cette décision forte qui est une tentative pour faire baisser les cours", a relevé Myrto Sokou, analyste du courtier Sucden.
"Avant même la conférence de presse de l'AIE, des rumeurs anticipant ce recours aux stocks stratégiques sont apparues dans les salles de marchés, précipitant la chute des prix", a confirmé à l'AFP Harry Tchilinguirian, expert de BNP Paribas.
Les 60 millions de barils, qui devraient commencer à être mis à disposition à partir de la semaine prochaine, correspondent à environ 46 jours de la production libyenne manquante, le conflit dans le pays ayant privé le marché mondial d'un peu plus de 1,3 million de barils par jour.
Les analystes accueillaient cependant cette décision avec circonspection.
"L'AIE dit agir pour répondre à l'interruption de l'offre libyenne, mais il est pour le moins étrange qu'elle ait attendu si longtemps après le début du conflit, au moment même où les pays du Golfe commencent à accroître leur production", a commenté M. Tchilinguirian.
Lors la réunion de l'Opep début juin à Vienne, l'Arabie saoudite, premier exportateur de la planète, s'était engagée avec les autres pays du Golfe à augmenter sa production quoiqu'il arrive, s'opposant aux membres conservateurs du cartel, Iran en tête, satisfaits du niveau des cours.
Ce geste de bonne volonté en direction des pays consommateurs n'est pas passé inaperçu: Nobuo Tanaka, directeur exécutif de l'AIE, a ainsi expliqué jeudi que le recours aux stocks stratégiques était une mesure transitoire, le temps de permettre aux pays producteurs désireux de le faire de relever leur production.
"Les pays industrialisés n'ont pas des réserves illimitées dont ils peuvent inonder les marchés. Donc, le véritable test sera la preuve effective que les Saoudiens pompent davantage de brut", a souligné Charles Robertson, économiste de Renaissance Capital.
Par ailleurs, les nuages sur le front de la demande énergétique sont loin de se dissiper. Selon Mme Sokou, "les remarques, mercredi, de la Réserve fédérale américaine (Fed) sur les perspectives moroses de la croissance américaine" ont contribué à peser sur les cours du baril.
L'idée d'un ralentissement économique a été confortée jeudi par l'annonce d'une hausse inattendue des inscriptions au chômage dans le premier pays consommateur d'or noir.