Shell ne réduira plus sa production de pétrole d'ici 2030, ire des écologistes
Le groupe dope parallèlement les distributions aux actionnaires après une année 2022 de profits record dans la foulée de la guerre en Ukraine.
Dans un communiqué publié mercredi, Shell annonce qu'il va "stabiliser sa production de liquides jusqu'en 2030".
Un porte-parole de Shell, joint par l'AFP, a assuré que les objectifs de baisse de production d'or noir affichés en 2021, et basés sur la production de 2019, ont été atteints dès 2022 grâce à des cessions comme la vente de gisements de pétrole de schiste aux États-Unis.
"Nous investissons pour apporter la sécurité énergétique dont les clients ont besoin", justifie le directeur général Wael Sawan, cité dans le communiqué.
La guerre en Ukraine a ramené la sûreté de l'approvisionnement en énergie sur le devant de la scène comparé à l'urgence climatique pour de nombreux gouvernements et compagnies du secteur.
Lors d'une présentation en ouverture d'un évènement dédié aux investisseurs mercredi, M. Sawan a ajouté que "le rythme de la transition des carburants fossiles vers les énergies à bas carbone dépendait de beaucoup de choses, dont les politiques gouvernementales, le coût de développement des énergies et la demande des consommateurs".
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a d'ailleurs esquissé pour la première fois mercredi un pic de la demande globale de pétrole "avant la fin de la décennie" grâce à l'essor de la voiture électrique.
"Attirer le capital"
Shell a par ailleurs annoncé mercredi une série de cadeaux aux actionnaires, avec une hausse de 15% du dividende par action effective au 2e trimestre 2023, et des rachats d'actions d'au moins 5 milliards de dollars (4,61 milliards d'euros) au deuxième semestre de cette année.
L'ONG Global Witness fustige un "virage à 180 degrés" amorcé "sur le dos de la crise énergétique".
"Comme d'autres géants des carburants fossiles qui ont également revu à la baisse leurs ambitions, Shell admet maintenant qu'il n'a pas le projet de changer son modèle d'entreprise", dénonce pour sa part l'ONG Les amis de la Terre.
Mais Shell a fait valoir qu'il avait besoin des investisseurs pour financer la transition énergétique.
Si le groupe venait à "détruire de la valeur pour (ses) actionnaires, cela pourrait apaiser quelques personnes à court terme. Mais à plus long terme, ce serait en fait mauvais pour la transition énergétique", a affirmé M. Sawan un peu plus tard mercredi lors d'une conférence de presse téléphonique.
Selon lui, "la seule façon d'attirer les 4 à 5.000 milliards de dollars dont vous avez besoin chaque année dans les infrastructures qui vont permettre la transition est de créer des rendements qui attirent le capital".
L'autre "major" britannique, BP, a aussi annoncé en février, en marge de résultats record, un ralentissement de sa transition énergétique.
Interrogé par l'AFP, Simon Evans, du site Carbon Brief, estime pour sa part qu'il est "très clair que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré" comme prévu dans le cadre des accords de Paris.
Il ajoute par ailleurs que les compagnies pétrolières européennes restent "en avance sur les autres" et notamment leurs rivales américaines, en matière d'investissements dans les énergies vertes.
La banque Berenberg estime que la stratégie dévoilée mercredi est "positive", notamment la réduction des coûts envisagée et celle des investissements, prévus entre 22 et 25 milliards de dollars par an en 2024 et 2025, dont 10 à 15 milliards de 2023 à 2025 dans les énergies à bas carbone.
Derren Nathan, analyste de Hargreaves Lansdown, juge cependant que l'"accent à long terme sur les versements aux actionnaires va restreindre le montant de capital disponible pour investir dans les nouvelles technologies" vertes.
L'action de Shell a clôturé mercredi en petite hausse de 0,37% à 2.304,50 pence à la Bourse de Londres.
(c) AFP