BP freine la transition énergétique malgré un résultat dopé aux hydrocarbures
BP voit son bénéfice hors éléments exceptionnels, indicateur le plus suivi par les marchés, plus que doubler sur un an à 27,7 milliards de dollars, un record absolu, dans la foulée de la hausse des prix du pétrole et du gaz tirés notamment par la guerre en Ukraine.
Les investisseurs ont applaudi: BP grimpait de 5,61% à 505,20 pence à la Bourse de Londres peu avant 12H00 GMT.
Mais le conflit en Ukraine a aussi pesé lourdement sur le groupe, qui voit son résultat net tomber dans le rouge: la perte nette part du groupe atteint 2,5 milliards de dollars, à cause d'une charge comptable de plus de 24 milliards de dollars liée à la sortie du russe Rosneft - celle-ci restant à finaliser.
BP a par ailleurs annoncé mardi qu'il comptait doper ses bénéfices d'ici 2030 en investissant davantage à la fois dans les renouvelables mais aussi les hydrocarbures, ce qui va ralentir le rythme de sa transition énergétique.
Le groupe prévoit ainsi une augmentation des investissements jusqu'en 2030 qui pourra atteindre 8 milliards de dollars dans les énergies à bas carbone et autant dans le pétrole et gaz.
En conséquence, BP s'attend à ce que sa production de pétrole et gaz diminue moins vite que prévu: elle sera en 2030 25% plus faible qu'en 2019, alors qu'il espérait précédemment l'avoir baissée de 40% à la fin de la décennie.
Malgré des résultats records, BP "revient en arrière sur ses récentes promesses climatiques", a déploré Friends of the Earth dans un communiqué.
⤵ "Plus difficile"
Pour autant, "nous continuons de croire que notre ambition et nos objectifs, pris ensemble, sont cohérents avec les objectifs de l'accord de Paris", qui vise à limiter le réchauffement climatique, a assuré le directeur général de BP Bernard Looney lors d'une conférence d'analystes.Le patron de l'entreprise a notamment fait valoir que le BP est désormais plus ambitieux dans son objectif de réduire ses émissions dans ses opérations: celles-ci devront être à 50% neutre en carbone en 2030, mais M. Looney a reconnu que ce serait "plus difficile" d'y parvenir vu l'augmentation des investissements en pétrole et gaz.
Greenpeace, qui louait un an plus tôt "le plus ambitieux des géants pétroliers" pour sa transition, fustige désormais des engagements "sapés par la pression des investisseurs et des gouvernements pour faire encore plus d'argent sale avec le pétrole et le gaz".
De fait, BP a annoncé mardi une hausse de 10% de son dividende pour le quatrième trimestre, ainsi qu'un nouveau programme de rachat d'actions de 2,75 milliards de dollars. Les redistributions aux actionnaires ont dépassé 14 milliards de dollars pour 2022.
En pleine crise économique, de telles largesses alimentent les critiques.
"Plus de la moitié" des bénéfices de BP "vont directement vers des actionnaires super riches, alors que des millions de personnes n'ont même pas les moyens de chauffer leurs maisons", dénonce l'ONG Global Justice Now, qui appelle à taxer plus les géants pétroliers.
Le gouvernement britannique a introduit en mai, puis augmenté en fin d'année à 35%, une taxe sur les bénéfices énergétiques exceptionnels, tout comme l'UE qui a adopté fin septembre une "contribution temporaire de solidarité".
BP a indiqué mardi que la taxe exceptionnelle britannique a pesé en 2022 à hauteur de 1,8 milliard de dollars dans ses comptes, et la contribution européenne à hauteur de 505 millions.
L'entreprise a été récemment accusée de tarder à mettre en oeuvre concrètement la sortie de Russie, et elle avait indiqué en décembre qu'il s'avérait "complexe" de se débarrasser de sa part de 19,75% dans Rosneft.
"Nous restons activement engagés dans la vente de notre participation (...) et nous informerons le marché en temps voulu", a répété M. Looney mardi.
(c) AFP