Baisse de l’énergie : sacrifice de l’industrie
L’indice S&P des explorateurs et producteurs de pétrole est toujours en hausse de 56 % pour l’année, même si le prix du baril revient au point mort sur la période.
Les actionnaires des sociétés pétrolières n’ont pas l’air de croire que la chute du pétrole va durer indéfiniment.
Le pétrole baisse comme l’ont fait les autres formes d’énergie au cours du mois dernier. Le prix du gaz naturel a chuté après les records de l’été. Le prix de l’électricité a aussi baissé, et a même plongé sous les 0 euros quelques instants.
À présent, le prix du gaz naturel remonte. Il affiche une hausse de 54 % sur un an, d’après l’indice d’Amsterdam.
Le coût du courant électrique a aussi entamé un rebond. Selon l’Epex, le prix du courant en France a grimpé de 100 euros à 411 euros le MWh, pour le courant de base, en seulement un mois.
Le sacrifice de l’industrie
L’effondrement des prix de l’énergie en novembre tient avant tout à une réduction de l’usage des énergies en Europe et ailleurs dans le monde.
Selon les chiffres du Financial Times, l’Europe utilise 24 % de gaz naturel en moins par rapport à la moyenne des 5 dernières années.D’où proviennent les économies ? Ce ne sont pas les bureaux ou les ménages. Ils continuent d’user de chauffage et d’électricité. Les entreprises gardent les lumières et ordinateurs allumés. Tout provient du ralentissement de l’industrie - aciéries, fabricants d’engrais, ou autres.
Le groupe national RTE rapporte que la consommation d’électricité, en France, recule de 6,5 %, par rapport à la norme entre 2014 et 2019, en précisant que la baisse de la consommation “est largement concentrée dans le secteur industriel”.
Or, selon les chiffres de 2020, l’industrie représente juste 18 % de la consommation de courant en France. La part de l’industrie dans la consommation européenne d’énergies est passée de 31 % à 27 % entre 2000 et 2019 (la consommation totale d’énergies dans le bloc a aussi baissé sur la période).
Déjà, les résultats des économies dans l’industrie touchent leurs limites. Les prix du gaz et de l’électricité remontent.
La chute du prix du baril provient aussi d’une baisse de la consommation. La baisse vient avant tout de Chine, plus gros importateur au monde de l’or noir. Les confinements ont réduit les déplacements en voiture, trajets en avion, et production des usines.
La suite pour l’industrie : plus de pénurie
▶️ Bloomberg :
Les dirigeants semblent penser que l’industrie n’est pas d’une grande importance pour l’économie.Peut-être que les prix de l’énergie ne sont tout simplement pas aussi importants à l’économie [...] qu’auparavant. L’économie des années 2020 est portée par les services, et elle est donc moins sensible aux prix de l’énergie que dans les années 1970, dominées par l’industrie.
Les gains en efficacité et la croissance des renouvelables signifient que l’énergie représente de moins en moins des budgets des ménages.
Ils donnent des énergies à prix subventionnés aux ménages. En même temps, ils limitent la capacité de produire plus de pétrole ou de gaz, dont les usines ont le plus besoin.
Par exemple, l’UE prévoit un plafonnement du prix du gaz pour 2023. Et elle a mis en place un embargo sur les importations de pétrole venant de Russie.
Au global, les sanctions et départs de multinationales de Russie cette année réduisent de 15 milliards $ les investissements dans la production de pétrole et de gaz, par rapport aux sommes prévues pour 2022.
Ces pertes en investissements s'ajoutent à des dizaines de milliards d’euros en déficit d'investissement dans le secteur à travers le monde.
Selon les analystes cités par S&P Global, les investissements des sociétés pétrolières en 2020 étaient inférieurs à la norme de 35 %. En 2021, ils étaient inférieurs de 23 %. Cette année, ils devraient être en baisse de 10 % environ.
Pourquoi les investissements ne démarrent-ils pas ? Les sociétés ont fait des bénéfices records cette année, rappelez-vous.
Une partie vient des obstacles à l’investissement et à la production. Les contrôles de prix en font partie.
▶️ FranceTVInfo :
Les particuliers ne paient pas le prix du marché de toute manière. La mesure nuit avant tout à l’industrie car elle l’empêche de payer le nécessaire pour avoir des provisions de gaz. Cela dissuade les producteurs, qui touchent moins que le prix de marché.L'exécutif de l'Union européenne propose un ‘mécanisme de correction du marché’ qui vise à interdire les transactions sur le marché du gaz européen si le prix du contrat dépasse notamment 275 euros/MWh pendant deux semaines.
▶️ Irina Slav commente :
D’autre part, l’UE resserre les règles sur les émissions de carbone. Le coût d’un crédit-carbone est passé de 20 euros le contrat en 2020 à plus de 80 euros de nos jours.La question de si le plafonnement peut avoir de sévères conséquences inattendues demeure ouverte pour l’instant.
L’industrie pâtit pour les hausses de prix, interventions dans le marché, et blocage de la production d’énergies… En dépit des sacrifices, l’énergie demeure sous tension. L’industrie n’a sans doute pas fini de souffrir de la pénurie.