Le gaz s'envole, menace l'économie européenne et la demande de pétrole
Le contrat à terme du TTF néerlandais, référence du marché européen du gaz naturel, a touché 295 euros le mégawattheure (MWh), un niveau plus vu depuis les séances très volatiles des premières semaines de l'invasion russe de l'Ukraine mi-mars.
Le géant gazier russe Gazprom a annoncé vendredi que ses livraisons de gaz russe à l'Europe par le gazoduc Nord Stream 1 seraient interrompues pendant trois jours, du 31 août au 2 septembre, pour des raisons de "maintenance".
Si "en soi, une brève fermeture du gazoduc ne ferait pas une grande différence", Ludwig Möhring explique que cette nouvelle met en lumière deux risques: que la Russie "prétende à tort qu'elle ne peut pas rouvrir le gazoduc" en prétextant un nouveau problème technique, ou qu'elle ferme ses autres gazoducs approvisionnant l'Europe.
Bjarne Schieldrop, de la banque suédoise Seb, prédit une situation énergétique "extrêmement difficile" en Europe cet hiver, arguant que la Russie pourrait jouer "le tout pour le tout" en faisant encore baisser les exportations de gaz naturel, en particulier à "chaque fois que les prévisions météorologiques seront vraiment froides".
"Les marchés européens du gaz naturel et de l'électricité sont en panne, la liquidité s'évapore", ajoute M. Schieldrop, interrogé par l'AFP.
Mécaniquement, les prix de l'électricité pour livraison début 2023 en Allemagne ont été propulsés lundi, jusqu'à dépasser les 700 euros alors que la norme historique se situe à 40 euros le MWh, selon M. Schieldrop. Pour l'électricité en France en début d'année prochaine, le MWh touchait quant à lui les 840 euros.
Dès lors, "la récession en Europe est une certitude", a conclu, dans une note, Edward Moya, d'Oanda.
⤵ Une intervention de l'OPEP?
Aux États-Unis aussi, le gaz naturel flambe, et son prix est monté lundi jusqu'à 9,982 dollars par million de British thermal unit (BTU), unité de mesure anglo-saxonne, une première depuis 14 ans.
Mais ce mouvement est surtout lié à la vague de chaleur qu'ont connu plusieurs régions américaines durant l'été, a expliqué Andy Lipow, de Lipow Oil Associates.Elle a augmenté les besoins en énergie, notamment pour l'air conditionné, tandis que le faible niveau de l'eau dans plusieurs installations hydroélectriques dans l'Ouest limitait la production d'électricité renouvelable.
Les réserves, qui sont actuellement inférieures de 12% à leur niveau moyen des cinq dernières années, n'ont ainsi pas pu être reconstituées, ce qui a créé une tension sur le marché, à l'approche de l'automne.
En comparaison des prix extrêmes du gaz naturel et de l'électricité en Europe, le brut semble désormais "exceptionnellement bon marché", relève Bjarne Schieldrop.
Les prix extrêmes du gaz créent une situation à l'effet "extrêmement destructeur sur l'économie européenne", font craindre pour la demande et pèsent ainsi sur les cours du brut.
Après avoir plongé en début de journée lundi, les cours se sont néanmoins redressés, pour finir proches de l'équilibre, à la faveur de déclarations, à l'agence Bloomberg, du ministre saoudien de l'Energie, Abdulaziz ben Salmane.
Le responsable a estimé que la volatilité actuelle du marché du pétrole et la baisse des cours, qui intègrent de façon prématurée, selon lui, un ralentissement économique marqué, pourraient justifier une baisse de production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP+).
Le baril de Brent BRENT Le Brent ou brut de mer du nord, est une variation de pétrole brut faisant office de référence en Europe, coté sur l'InterContinentalExchange (ICE), place boursière spécialisée dans le négoce de l'énergie. Il est devenu le premier standard international pour la fixation des prix du pétrole. de la mer du Nord, référence du brut en Europe, pour livraison en octobre n'a cédé que 0,24%, pour clôturer à 96,48 dollars. Son équivalent américain, le West Texas Intermediate (WTI WTI Le West Texas Intermediate (WTI), aussi appelé Texas Light Sweet, est une variation de pétrole brut faisant office de standard dans la fixation du cours du brut et comme matière première pour les contrats à terme du pétrole auprès du Nymex (New York Mercantile Exchange), la bourse spécialisée dans l'énergie.), a lui perdu 0,59% à 90,23 dollars le baril.
Pour Andy Lipow, une baisse de production de l'OPEP ne suffirait pas à redresser nettement les prix de l'or noir, car "l'Europe est sur la voie de la récession et l'impact économique va se ressentir à travers le monde" et peser sur la demande, et donc sur les cours.Autre facteur de soutien à l'or noir, "la réponse américaine à l'Iran qui se fait attendre" dans le dossier du nucléaire iranien, une semaine après que Téhéran a soumis ses propositions à la dernière offre présentée par l'Union européenne pour tenter de sauver l'accord international de 2015.
"Le marché est de plus en plus sceptique quant à un accord", selon Bart Melel, de TD Bank.
(c) AFP