La crise du brut met à terre le roi du pétrole singapourien
Mais son empire de courtage et distribution de pétrole, Hin Leong Trading, s'est écroulé le mois dernier, victime de la crise sans précédent des marchés pétroliers déstabilisés par la pandémie de coronavirus.
Lim Oon Kuin, appelé couramment O.K. Lim, est, sous une apparence discrète, un risque tout, selon ceux qui le connaissent, et a spéculé à outrance sur des contrats à terme de pétrole. Acculé par les banques, il a dû enclencher une procédure de faillite en avril.
Il a reconnu que sa société, créée dans les années 1960 après avoir émigré de Chine, avait dissimulé des pertes de 800 millions de dollars sur plusieurs années. Elle était aussi endettée de près de quatre milliards de dollars auprès des banques.
Lim a avoué avoir demandé à ses employés de ne pas publier les pertes, et vendu en secret des stocks de brut qui étaient censés garantir des prêts.
Le groupe Hin Leong, qui signifie "prospérité" en chinois, est l'une des plus grosses victimes à ce jour de la déconfiture des marchés du brut. Et sa procédure de faillite signe la chute brutale du magnat O.K. Lim.
Joueur de poker
Lim Oon Kuin a débuté très jeune avec un seul camion citerne pour livrer du pétrole à Singapour avant l'indépendance de la cité-Etat en 1965.Et elle s'est ensuite diversifiée dans l'affrètement et la gestion de navires avec une filiale comptant plus de 150 bateaux.
Mais l'image que renvoie Lim est complexe. L'ex-milliardaire cultivait une image de discrétion et d'humilité mais gérait Hin Leong d'une main de fer, comme "un patriarche asiatique typique qui prend toutes les décisions de son entreprise familiale", selon un courtier en pétrole souhaitant conserver l'anonymat.
Jorge Montepeque, un cadre dirigeant du secteur pétrolier, en affaires avec Lim pendant une décennie jusqu'à 2001, se rappelle que le magnat pouvait apparaître "presque détaché", comme absent, au cours de réunions.
"Mais ce n'était pas vrai, il savait très bien de quoi il s'agissait", la réalité était que ce passionné de poker "prenait des risques majeurs", raconte-t-il à l'AFP.
"trop gros pour couler"
La chute du groupe a déclenché l'ouverture d'une enquête de police, envoyant une onde de choc à travers la communauté financière.Selon un courtier du secteur, "personne n'aurait pu penser que quelque chose se tramait". "Le sentiment général était que Hin Leong était trop gros pour couler", dit-il à l'AFP.
Une présentation de Hin Leong à ses créanciers avant la faillite montre une dette totale de 4,05 milliards de dollars, pour des actifs estimés à 714 millions.
L'essentiel de la dette, 3,85 milliards de dollars, est due à plusieurs banques. La plus exposée est HSBC (600 millions USD), mais la banque française Société Générale a aussi une créance de 240 millions.
Les risques pris par la compagnie, qui ne s'était pas couverte contre une chute du marché, se sont révélés fatals pour Hin Leong, subissant à la fois les répercussions du coronavirus et la guerre des prix entre l'Arabie saoudite et la Russie ayant fait chuter les prix du brut des deux tiers.
Dans ses dernières opérations, la société avait parié que la Chine réussirait à contenir le virus et que la crise du marché pétrolier serait de courte durée.
Mais une telle stratégie revient à "miser tout ce que l'on a sur le rouge à la roulette dans un casino", note Jorge Montepeque.
Le groupe n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.
(c) AFP