Pétrole: le Kremlin se lance dans la 'guerre' malgré les défis à domicile
Le pétrole a encaissé une chute historique ces derniers jours, provoquée par l'échec de négociations OPEP-Russie, suivie de la décision de Ryad de baisser fortement ses prix de brut et d'ouvrir ses robinets. Le but, punir Moscou de son intransigeance face au cartel des pays pétroliers.
En réaction, Vladimir Poutine a assuré mercredi que la Russie sortirait avec "calme et dignité" de la crise actuelle et que son économie en serait même "renforcée".
Très dépendante de ses exportations d'or noir, la Russie calcule son budget fédéral avec prudence, prenant comme estimation un baril à 42 dollars pour le budget actuel. Tous les revenus supérieurs à ce prix sont reversés au Fonds souverain.
Celui-ci a ainsi accumulé 150 milliards de dollars, soit 9,2% du PIB. De quoi tenir entre 6 et 10 ans si le pétrole devait chuter durablement à 25-30 dollars le baril, assure le ministère des Finances.
Selon des analystes, la chute des cours ne devrait dès lors pas avoir d'impact sur les ambitieuses dépenses annoncées par le président pour moderniser le pays, relancer la croissance, le pouvoir d'achat et la démographie.
"Poutine ne voudra pas réduire les dépenses dans son programme clé des +projets nationaux+ ni faire marche arrière sur les dépenses sociales promises", affirme Chris Weafer, fondateur de la société de conseil Macro Advisory.
"L'agenda domestique est inchangé", renchérit Sofya Donets, directrice de Renaissance Capital en Russie.
"Il y a une expérience de la gestion de ce genre de crises", dit-elle à l'AFP, rappelant que ces dépenses sont déjà inscrites au budget national et donc "sécurisées".
🇷🇺 Croissance menacée
Mais la croissance devrait néanmoins souffrir, alors qu'un redémarrage a été promis par M. Poutine, dont l'objectif est un taux supérieur à 3%.La prévision de croissance du PIB de Renaissance Capital pour 2020 -de 2,6% avant le crash des prix du pétrole- est désormais de 1,5% pour un baril à 40 dollars en moyenne sur l'année. Si celui-ci devait être de 30 dollars, la croissance plafonnerait à 1,1%.
A 25 dollars ou moins, selon les experts, la Russie pourrait commencer à se trouver dans une situation très difficile.
Malgré les promesses du Kremlin, la population russe pourrait bien avoir à se serrer la ceinture, elle qui souffre déjà d'un pouvoir d'achat en baisse depuis l'instauration de sanctions occidentales suite à l'annexion de la Crimée en 2014.
Dans un éditorial intitulé "La nouvelle guerre du Kremlin", le quotidien économique russe Vedomosti affirme que "si cette guerre est gagnée, ce serait une victoire (pour le Kremlin) mais pas pour les gens ordinaires".
"Les habitants devront s'habituer au moins au nouveau taux de change du rouble", regrette le journal.
En plus d'une probable inflation à domicile et des sacrifices qui en découlent, les Russes devront également composer avec un pouvoir d'achat plus faible à l'étranger et des produits importés hors de portée de nombreuses bourses.
(c) AFP