Pétrole: Ryad tente de rassurer les marchés après l'attaque de drones
Une attaque de drones a endommagé samedi deux installations majeures du géant pétrolier saoudien: Abqaiq, la plus grande usine de traitement du pétrole au monde, et le champ pétrolier de Khurais (est).
Les rebelles yéménites Houthis, soutenus par Téhéran, ont revendiqué l'attaque. Washington a blâmé l'Iran pour ce que le secrétaire d'Etat Mike Pompeo a qualifié d'"attaque sans précédent sur l'approvisionnement énergétique du monde".
Le prince Abdel Aziz ben Salmane, nouvellement nommé ministre de l'Energie, a lui assuré qu'une partie de la baisse serait compensée par le recours à de vastes stocks.
La suspension provisoire des opérations sur les deux sites a entraîné une réduction de la production de 5,7 millions de barils par jour, soit 6% de l'approvisionnement mondial, ce qui pourrait entraîner une flambée des prix à l'ouverture des marchés lundi.
"Le pire scénario (concernant une flambée des prix) serait qu'un incident retire des marchés une partie de la production de l'Arabie saoudite", a déclaré Robert Rapier, expert en énergie, dans le magazine Forbes.
"S'ils peuvent rétablir rapidement la production ou du moins assurer aux marchés qu'ils le peuvent, vous ne verrez peut-être pas une énorme hausse des prix", ajoute-t-il.
Selon Bloomberg News, Aramco s'attend à ce que la plupart des opérations reprennent "dans les prochains jours".
"Exposés au terrorisme"
"Pour les investisseurs, Aramco sera jugée sur la vitesse de récupération", a déclaré Ali Shihabi, fondateur du groupe de réflexion pro-Saoudien Arabia Foundation, désormais fermé.
Rappelant que "toutes les installations clés dans le monde sont exposées au terrorisme", il indique que le groupe pétrolier a "certainement planifié de telles éventualités depuis des décennies".
"L'Arabie saoudite a beaucoup de pétrole stocké pour répondre aux demandes des clients et ne pensez pas qu'Aramco perdra de l'argent à cause de cela", a déclaré Ellen Wald, auteure du livre "Saudi Inc".
L'Arabie saoudite est connue pour ses vastes installations de stockage souterrain, d'une capacité de plusieurs dizaines de millions de barils, qui peuvent être écoulés en temps de crise.
Impact sur l'entrée en Bourse ?
Si l'attaque ne risque pas de faire dérailler l'introduction en Bourse de l'entreprise publique saoudienne, elle pourrait miner la confiance des investisseurs, attirés par une opération dont Ryad espère tirer 100 milliards de dollars.
Prévue pour 2018, l'opération a déjà connu des retards en raison de conditions défavorables, la valorisation d'Aramco peinant à atteindre les 2.000 milliards de dollars espérée par les dirigeants saoudiens.
"Le prince héritier Mohammed ben Salmane va pousser l'entreprise à démontrer qu'elle peut s'attaquer efficacement au terrorisme ou aux défis de la guerre", a déclaré Ayham Kamel, analyste du Groupe Eurasia.
Mais "les attaques pourraient compliquer" l'introduction en Bourse, ajoute-t-il, étant donné "les risques élevés de sécurité et l'impact potentiel sur sa valorisation".
Pour de nombreux négociants, la perte temporaire de production est secondaire. L'attaque de drone a surtout révélé la vulnérabilité des infrastructures pétrolières du royaume, malgré les milliards investis dans un appareil de défense sophistiqué.
La production du premier exportateur mondial d'or noir repose entièrement sur Aramco, contrairement à d'autres pays producteurs, ce qui l'expose à un arrêt brutal de la production en cas d'attaque.
L'usine d'Abqaiq, joyau de l'infrastructure pétrolière du royaume, avec une capacité de plus de 7 millions de barils par jour, est le plus vulnérable des sites saoudiens, selon un rapport du Center for Strategic and International Studies, basé à Washington.
"Abqaiq est le coeur du système et il vient d'avoir une crise cardiaque", a déclaré Roger Diwan, un expert en énergie chez le consultant IHS Markit, cité par Bloomberg News.
(c) AwP