Pétrole: les producteurs dans l'impasse sur fond de guerre commerciale USA-Chine
Un groupe dirigé par l'Arabie saoudite, chef de file de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), et la Russie --non membre de cette instance-- cherche à équilibrer le marché pétrolier, moribond malgré les baisses de la production et de l'offre en provenance d'Iran et du Venezuela, sous sanctions américaines.
Le Comité ministériel conjoint de suivi, qui rassemble des pays membres et non membres de l'OPEP (l'OPEP+) et est chargé de contrôler l'application d'un accord convenu fin 2018 pour réduire l'offre, se réunira jeudi aux Emirats arabes unis.
Les analystes estiment qu'elle a peu de cartes à jouer car une nouvelle baisse de la production aggraveraient les pertes de ces pays.
"L'OPEP a toujours eu recours à des réductions de production pour soutenir les prix", observe M. Raghu, analyste au Kuwait Financial Centre (Markaz). "Cependant, cela s'est fait au prix d'une réduction de la part de l'OPEP sur le marché mondial du brut, qui est passée d'un pic de 35% en 2012 à 30% en juillet 2019."
L'OPEP+ a décidé fin 2018 de réduire sa production alors que la faiblesse de l'économie mondiale et l'abondance de la production américaine d'huile de schiste risquaient d'entraîner un surplus sur les marchés.
Auparavant, ces mesures avaient généralement permis de faire grimper les prix. Mais ces derniers mois, les cours ont baissé, même après la décision en juin de l'OPEP+ de prolonger de neuf mois l'accord sur la réduction de la production.
Le prix du baril de Brent BRENT Le Brent ou brut de mer du nord, est une variation de pétrole brut faisant office de référence en Europe, coté sur l'InterContinentalExchange (ICE), place boursière spécialisée dans le négoce de l'énergie. Il est devenu le premier standard international pour la fixation des prix du pétrole. était vendredi de 61,54 dollars, contre plus de 75 à la même période l'an passé et après avoir chuté autour de 50 dollars fin décembre 2018.
Lors d'une conférence de presse dimanche à Abou Dhabi, le ministre émirati de l'Energie et de l'Industrie Souheil al-Mazrouei a reconnu l'effet de ces tensions sur le marché du pétrole.
"Mais je ne suggérerais pas de nous lancer dans des coupes (de la production) à chaque fois qu'il y a un problème de tensions commerciales", a-t-il déclaré, ajoutant que l'OPEP+ ferait "le nécessaire" pour rééquilibrer le marché.
Pour l'économiste saoudien Fadhel al-Bouenain, le marché pétrolier est devenu "très sensible à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui va freiner la croissance mondiale et par conséquent la demande de pétrole". Selon lui le contrôle des prix échappe dans ces conditions à l'OPEP et l'organisation ne devrait donc pas avoir recours à de nouvelles baisses de production.
Pour M. Raghu, de telles baisses n'entraîneraient pas de hausse sensible des prix si la guerre commerciale n'est pas réglée.
"Options limitées"
Les discussions de l'OPEP+ interviennent à un moment où l'offre n'est pas excessivement élevée, en raison de la baisse de la production de l'Iran et du Venezuela et du ralentissement de la croissance de la production américaine.
"La croissance de la production américaine de schiste n'a pas le même élan que lors des cycles précédents, et la production de l'OPEP est à un plus bas niveau sur 15 ans", avait commenté Standard Chartered le mois dernier.
Selon la banque d'investissement, "les options de politique pétrolière pour les principaux producteurs sont limitées", car la crise actuelle, contrairement à celles de 2014-2015 et 2018, "n'est pas due à un déséquilibre rapide du marché".
Le cabinet de conseil en énergie Rapidan Energy Group estime que l'OPEP+ pourrait à l'avenir devoir réduire sa production d'un million de barils par jour pour stabiliser le marché.
Mais le problème sera de décider quels sont les pays membres qui assumeront le fardeau, l'Arabie saoudite ayant précédemment assumé le plus gros de la réduction. Pour M. Bouenain, Ryad sera probablement plus réticent cette fois-ci, étant donné l'impact sur ses revenus.
A la veille de la réunion à Abou Dhabi, le roi Salmane d'Arabie saoudite a nommé samedi un de ses fils, le prince Abdulaziz ben Salmane, ministre de l'Energie, alors que le royaume prépare l'introduction en Bourse du géant pétrolier public Aramco à l'horizon 2020-2021 en espérant des conditions de marché plus favorables.
(c) AwP