Total lance une vaste offensive dans l'exploration
Les 23 puits représentent un niveau trois fois supérieur à celui de 2017 et 2016 et dépassent les 20 forés en 2013, avant la chute des cours du brut. Total n'a pas indiqué le nombre de puits qu'il a forés en 2018.
La nouvelle stratégie du groupe consiste à concentrer ses efforts sur les bassins émergents et matures, qui offrent plus de chance de réussite en termes d'exploration. Elle s'éloigne de la stratégie suivie jusqu'ici par Total consistant à prendre davantage de risques dans l'espoir d'obtenir de meilleurs rendements en ciblant des zones inexploitées commercialement. Cette dernière approche a donné de piètres résultats et amené Total à prendre du retard sur ses concurrents.
"Nous avons dépensé beaucoup d'argent dans les frontières", a déclaré Kevin McLachlan, un géophysicien canadien qui a rejoint Total en 2015 pour refonder la stratégie d'exploration du groupe. "A présent, nous cherchons un équilibre."
La plupart des puits visés par Total cette année sont situés dans des champs géants connus, a-t-il ajouté.
Selon Kevin McLachlan, le budget d'exploration de Total cette année sera globalement identique à celui des deux années précédentes, mais il représentera toujours un niveau deux fois inférieur à celui de 2014. En 2018 et 2017, ce budget était respectivement de 1,2 milliard et 1,1 milliard de dollars.
À LA TRAÎNE DANS LES DÉCOUVERTES
La validation de récentes découvertes de Total pourrait confirmer que son revirement stratégique commence à payer.
L'an dernier, le groupe a fait une découverte de gaz significative sur le prospect de Glendronach, situé au large du Royaume-Uni à l'ouest des îles Shetland, avec un volume de ressources récupérables estimé à environ mille milliards de pieds cubes.
Le groupe attend aussi l'approbation de Calypso, au large de Chypre, réalisé avec Eni. Une autre série de découvertes ont également eu lieu au large de la Birmanie.
Total a enfin annoncé mardi une découverte significative d'hybrocarbures en mer du Nord, au large du Royaume-Uni, dont les ressources récupérables sont estimées à près de 250 millions de barils équivalent pétrole.
Le groupe français détient une participation de 25% dans cette découverte de Glengorm, aux côtés de CNOOC Petroleum Europe Limited, filiale du chinois CNOOC Limited (50%, opérateur), et d'Euroil, filiale de l'italien Edison E&P SpA (25%).
Une nouvelle découverte pourrait encore consolider son revirement stratégique après des années de vaches maigres entre 2009 et 2014 où le groupe a dépensé en vain des milliards de dollars dans l'exploration alors que ses concurrents à l'image d'Eni, Exxon Mobil et BP accumulaient des succès.
Il reste cependant encore beaucoup du chemin à accomplir avant de transformer les investissements dans l'exploration en succès commercial.
Selon le cabinet de conseil en énergie Wood Mackenzie, Total a pris en 2017 et 2018 la tête du classement des explorations de blocs avec plus de 189.000 km2 explorés depuis 2015, soit environ 70.000 de plus que son plus proche poursuivant.
Total est cependant toujours à la traîne de certains de ses concurrents en termes de découvertes depuis 2015, a déclaré Andrew Latham, analyste chez Wood Mackenzie.
"Il est clairement derrière Exxon Mobil. Le succès d'Exxon en Guyane fait de lui le leader du secteur", a-t-il dit, ajoutant que la découverte de gaz d'Eni à Zohr, en Égypte, était la nouvelle grande trouvaille.
Dans le cadre de son plan de redressement, Total a créé cinq pôles d'exploration régionaux avec un regroupement de géoscientifiques, au lieu d'équipes réparties dans 38 pays.
Une nouvelle équipe de direction centrale composée de 10 personnes examine et choisit les projets, par rapport aux décisions prises au niveau local. Des personnes expérimentées dans l'exploration ont aussi été placées dans des postes de direction pour la première fois.
LE CHAMP SUD-AFRICAIN
Comme certains concurrents, dont Exxon et BP, Total a décidé de se tourner de nouveau vers l'exploration en eaux profondes à la faveur des avancées technologiques, notamment dans l'imagerie sismique numérique en 3D, qui ont rendu de nouveau ce secteur attrayant.
Le groupe français, qui avait arrêté ses forages sur le champ en eaux profondes sud-africain de Brulpadda en 2014 après de difficultés sur sa plate-forme liées à de forts courants marins, a fait son retour sur ce même champ en décembre dernier.
Selon deux sources proches du secteur, le potentiel de découvertes y est aujourd'hui élevé et pourrait changer la donne non seulement pour Total, mais aussi pour l'Afrique du Sud.
"Nous attendons les résultats dans les jours qui viennent", a indiqué le PDG de Total Patrick Pouyanné. "J'espère que ce sera une découverte."
Alors que le groupe français a indiqué que le champ de Brulpadda pourrait receler entre 500 millions et un milliard de barils équivalent pétrole (bep), l'un de ses partenaires sur ce projet s'est montré encore plus optimiste.
"Les chances de trouver des hydrocarbures sont extrêmement élevées. La question est de savoir s'il s'agit de gaz ou de pétrole et si c'est un réservoir de bonne qualité", a déclaré à Reuters Keith Hill, directeur général du groupe Africa Oil Corp - détenteur d'une part minoritaire du champ -, ajoutant que Brulpadda pourrait contenir de 1,5 à trois milliards de barils.
"Une éventuelle découverte aura pour effet d'attirer d'autres sociétés pétrolières et de développer l'industrie pétrolière, l'exploration et la production en Afrique du Sud", a déclaré Viljoen Storm, directeur général par intérim de l'agence publique Petroleum Agency.
(c) Reuters