Les automobilistes pris au piège du diesel
Pour les diésélistes, "c'est la double peine", constate Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'Automobile. "Ils subissent à la fois les prix du carburant qui augmentent et une valeur résiduelle de leur voiture qui baisse fortement parce que le marché des véhicules diesel d'occasion s'effondre".
Les prix du gazole ont quasiment rejoint à la pompe ceux de l'essence, sous l'effet d'une hausse des taxes visant à mettre fin à l'avantage fiscal dont ce carburant bénéficiait jusqu'ici. Du coup, ces véhicules perdent leur intérêt et leur attrait, d'autant plus qu'ils sont perçus comme ayant peu d'avenir.
Mais en cas de revente, il risque d'y avoir de la déception. Sur les voitures urbaines diesel, "les prix sont clairement en baisse, parfois de 10 à 15%", prévient M. Paoli. La baisse est moins perceptible pour les gros véhicules, mais dans tous les cas "les délais de revente sont un peu plus longs".
Il souligne que le marché de l'occasion est complètement déséquilibré. "Les voitures d'occasion d'aujourd'hui, ce sont les voitures neuves d'il y a quatre ans. Or, il y a 4 ans, on vendait 70% de diesel. Aujourd'hui, quand je regarde les requêtes sur le site Aramis, seules 30 à 35% portent sur du diesel".
Sur le marché du neuf, la part du diesel est aussi tombée sous la barre des 40% en septembre, contre 73% en 2012.
"Il y a un problème d'offre et de demande. Les gens veulent plus d'essence et on n'a pas forcément autant d'essence à leur proposer", poursuit Guillaume Paoli.
Inversion de politique
Les baisses de prix des voitures d'occasion diesel "sont significatives depuis le début de l'année", confirme le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), qui représente notamment les concessionnaires. Interrogé par l'AFP, il n'était pas en mesure de chiffrer le phénomène.
"Les pouvoirs publics ne prennent jamais en compte le parc existant de véhicules", alerte le CNPA, qui l'estime à 42 millions de voitures, dont les deux tiers en diesel.
Les Français étaient incités par le gouvernement, jusqu'à il y a encore cinq ans, à privilégier le diesel au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, rappelle Flavien Neuvy.
Ces motorisations consomment environ 10% de carburant en moins et émettent donc moins de CO2. Mais leur bilan moins favorable en matière d'émissions d'oxydes d'azote, des gaz nocifs pour la santé, a incité le gouvernement à inverser totalement sa politique depuis la loi sur la transition écologique votée en 2014.
Le dieselgate, avec ses révélations sur les tricheries de Volkswagen et la sous-estimation systématique des émissions nocives lors des tests d'homologation, a porté le coup de grâce à cette technologie.
Chez les consommateurs, "il y a du mécontentement, l'impact est fort sur le pouvoir d'achat, mais il y a aussi des conséquences industrielles", avec des milliers d'emplois menacés chez des équipementiers spécialistes des motorisations diesel, souligne cet expert. "Cela fait des chocs invraisemblables" à gérer pour une industrie automobile qui doit consentir de lourds investissements et a besoin avant tout de visibilité.
(c) AFP