Les réserves stratégiques de pétrole, arme à multiples usages
Stockées dans un complexe de quatre sites souterrains le long des côtes du golfe du Texas et de la Louisiane, les réserves américaines sont actuellement de 660 millions de barils pour une capacité totale de stockage de 727 millions de barils.
Le gouvernement envisage d'en vendre entre 5 et 30 millions de barils, a affirmé vendredi Bloomberg, ajoutant que d'autres pays, sans les citer explicitement, pourraient se joindre au mouvement.
Cette idée rend toutefois dubitatifs certains analystes sur son objectif réel.
"Lors de perturbations qui menacent la production mondiale, il est logique d'utiliser ces réserves en urgence. Ma crainte est que les États-Unis commencent à les utiliser comme une arme pour manipuler les prix et que cette arme ne perde en efficacité en cas de vraie crise sur le marché", affirme Phil Flynn, analyste à Price Futures Group.
Prix de l'essence
Le spécialiste estime que ce potentiel recours aux réserves stratégiques paraît moins urgent au moment où la mine de sables bitumineux de Syncrude au Canada, perturbée depuis plusieurs semaines, pourrait bientôt reprendre du service et que l'Arabie saoudite a nettement augmenté ses exportations de brut en juin, d'après les données du cabinet ClipperData.
De plus, la hausse du prix de l'essence qui a récemment frappé les automobilistes américains et contre laquelle bataille Donald Trump avant les élections de mi-mandat de novembre est partiellement réglée puisque ces prix ont déjà baissé, a noté Andrew Lebow, associé chez Commodity Research Group.
Après avoir tutoyé les 3 dollars en mai, le prix du gallon évoluait mercredi à 2,86 dollars selon l'Association américaine des automobilistes.
Cette organisation, qui regroupe majoritairement des Etats européens et américains, surveille le niveau des réserves stratégiques de ses membres en leur imposant de détenir au moins l'équivalent de 90 jours d'importations dans leur sous-sol, ce que la plupart de ces Etats respecte.
Réduction de moitié
Par le passé, les présidents américains ont en concertation avec l'AIE procédé à trois ventes d'urgence de leurs réserves.
D'abord en 1991, au moment de "Tempête du désert", l'opération militaire menée par les États-Unis après l'invasion du Koweït par l'Irak. A cette période, 17 millions de barils ont été vendus. Puis après le passage de l'ouragan Katrina dans le sud du pays en 2005 où 11 millions de barils ont été écoulés. Et enfin lors du soulèvement populaire de Libye en 2011, quand 30 millions de barils ont été commercialisés.
D'autres ventes, plus ponctuelles, peuvent survenir, à l'instar de celle de près de cinq millions de baril après le passage de l'ouragan Harvey sur les côtes du golfe du Mexique l'été dernier.
Actuellement, ces réserves sont aussi progressivement grignotées par les récentes décisions des autorités américaines de procéder à des ventes stratégiques pour des raisons budgétaires.
Ainsi, dans l'état actuel des décisions budgétaires prises par les administrations Obama et Trump, les réserves américaines tomberont à 410 millions de barils d'ici à 2027, a calculé l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA).
La Maison Blanche avait affirmé en mai 2017 dans son projet de budget qu'elle souhaitait réduire de moitié les réserves stratégiques d'ici dix ans dans le but de réaliser des économies, arguant du fait que la production américaine très robuste grâce au pétrole de schiste, et la baisse des importations qui en découlait, ne nécessitaient plus des stocks stratégiques aussi élevés.
Même en baisse de 40% en 2027, ces réserves respecteraient toujours les obligations de stocks vis-à-vis de l'Agence internationale de l'Energie.
(c) AFP