Nouveaux combats autour de sites pétroliers en Libye
Les Brigades de défense de Benghazi (BDB) ont attaqué les deux sites dans la région du Croissant pétrolier contrôlée par le maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est de la Libye, mettant le feu à au moins un réservoir de brut atteint par une roquette, selon une source militaire pro-Haftar.
Les BDB sont composées de combattants chassés de la ville de Benghazi (est) par les pro-Haftar.
La Compagnie nationale de pétrole (NOC) a annoncé dans un bref communiqué avoir évacué son personnel des terminaux de Ras Lanouf et d'Al-Sedra "en raison des affrontements armés", mettant en garde contre une perte de production de l'ordre de 240.000 barils/jour.
Un porte-parole de "l'Armée nationale libyenne" (ANL) autoproclamée par le maréchal Haftar, Khalifa al-Abidi, a indiqué que les Brigades de défense de Benghazi avaient essuyé de "lourdes pertes", ajoutant que les "opérations militaires se poursuivent".
Un autre porte-parole de l'ANL avait annoncé plus tôt que l'attaque avait été "repoussée".
Selon lui, "cette attaque vise à alléger la pression sur les terroristes à Derna", ville située plus à l'est où l'ANL mène une offensive pour chasser une coalition de milices jihadistes et islamistes.
"Redéploiement"
"Les forces de Haftar (...) sont absorbées par Derna, d'où le timing" de cette attaque, a estimé Jalel Harchaoui, doctorant à l'université Paris VIII et spécialiste de la Libye.
Le ministère français des Affaires étrangères a condamné "avec la plus grande fermeté l'offensive" qualifiant les assaillants d'"extrémistes".
"La France est déterminée à ce qu'une solution politique durable soit trouvée en Libye à-travers l'organisation d'élections (...) dont le calendrier a été agréé lors de la conférence de Paris du 29 mai", a-t-on ajouté.
Fin mai, le président français Emmanuel Macron a réuni à Paris les principaux protagonistes de la crise libyenne qui ont endossé une déclaration orale prévoyant l'organisation d'élections législatives et présidentielle le 10 décembre.
Des analystes estiment toutefois que la fragmentation du pays rend les promesses fragiles.
Khalifa Haftar, soutenu par des autorités basées dans l'est libyen, s'oppose toujours au gouvernement d'union nationale (GNA), basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale et l'ONU.
Les forces pro-Haftar ont pris en septembre 2016 le contrôle des quatre principaux sites pétroliers de Libye -Zoueitina, Brega, Ras Lanouf et Al-Sedra- qui assurent l'essentiel des exportations libyennes d'or noir, permettant une reprise de la production.
Ces sites avaient été bloqués par la milice des Gardes des installations pétrolières (GIP) dirigée par Ibrahim Jadhran, un homme qui a régulièrement défié les différents pouvoirs libyens, à Tripoli ou dans l'Est.
Ajoutant à la confusion, M. Jadhran qui avait disparu en 2016 est réapparu jeudi dans une vidéo sur les réseaux sociaux, affirmant avoir formé une coalition -la "force de libération du croissant pétrolier"pour reprendre les sites pétroliers.
"Guerre civile"
Dans un communiqué, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, a dénoncé "un acte susceptible de menacer la sécurité et la stabilité du pays et raviver la discorde".
"Cette escalade irresponsable pousse le pays vers une guerre civile que tous les Libyens veulent éviter alors qu'ils ont considérablement progressé vers l'entente", a-t-il affirmé.
Mais dans l'autre camp, le gouvernement parallèle basé dans l'est a accusé le GNA d'être "derrière l'attaque".
"Cette attaque vise à (...) empêcher toute progression dans l'entente" entre camps rivaux en Libye, après la rencontre de Paris", a-t-il estimé dans un communiqué.
Cet exécutif a fait état par ailleurs d'une "alliance" entre les BDB et les "les milices d'Ibrahim Jadhran".
Claudia Gazzini, pour Crisis Group, n'a pas écarté cette hypothèse.
"La violence, les abus et les meurtres perpétrés par l'ANL renforce le sentiment (d'hostilité) parmi d'autres groupes qui peuvent s'allier" face au même ennemi, a-t-elle dit.
La mission de l'ONU en Libye (Manul) a condamné l'attaque, estimant sur son compte Twitter que "cette escalade dangereuse" met en péril l'économie libyenne et risque de provoquer un conflit généralisée".
La Libye qui dépend essentiellement de la manne pétrolière, produisait 1,6 million de b/j avant la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. La production de brut ayant été divisée par cinq depuis, avant de dépasser, malgré les perturbations dues aux violences, un million de bj fin 2017.
(c) AFP