Au-delà du pétrole: les majors en quête de diversification
Le géant pétrolier et gazier met ainsi la main sur le principal fournisseur alternatif d'électricité et de gaz en France, concurrençant frontalement EDF et Engie.
Total avait déjà lancé l'an dernier une offre destinée aux particuliers sous la marque "Total Spring". Le groupe vise désormais plus de 6 millions de clients en France et plus d'un million de clients en Belgique à l'horizon 2022.
L'italien ENI fournit déjà du gaz et de l'électricité aux particuliers en France.
"La demande en électricité croît plus vite mondialement que la demande en énergie - parce qu'on le voit, il y a plein de développements de l'usage de l'électricité", remarque le PDG de Total, Patrick Pouyanné.
Total avait mené ces dernières années une série d'acquisitions en rachetant les batteries Saft, le fournisseur belge d'électricité et de gaz Lampiris et dernièrement pris une participation dans le producteur d'énergie renouvelable EREN RE.
"Mesure défensive"
Ces développements interviennent alors que les producteurs d'hydrocarbures cherchent à se diversifier face aux initiatives pour limiter le dérèglement climatique et l'essor de nouveau usages comme les véhicules électriques.
Glenn Rickson, analyste chez S&P Global Platts, souligne qu'il y a "une tendance croissante des majors pétrolières à chercher à investir dans le secteur de l'électricité - dans la production et la commercialisation. C'est une mesure défensive face à la pression croissante sur les énergies fossiles".
Et tout comme les compagnies pétrolières étaient présentes de la plateforme en mer jusqu'à la station-service, elles veulent aujourd'hui reproduire ce modèle pour aller jusqu'au client final.
"Nous voulons faire dans le gaz comme on a fait dans le pétrole, en étant intégré tout le long de la chaîne, en n'étant pas seulement producteur", explique M. Pouyanné.
Gaz et renouvelables
Il s'agit non seulement de fournir du gaz aux particuliers mais aussi de l'utiliser pour produire de l'électricité.
"Les majors peuvent se dire qu'une augmentation de l'intégration verticale avec des acquisitions dans l'électricité est le meilleur moyen de d'assurer un débouché de long-terme pour leur production", remarque Glenn Rickson.
Avec Direct Energie, Total fait ainsi l'acquisition de deux centrales à gaz. Une troisième doit être construite en Bretagne.
"On n'a pas vocation à devenir EDF... par contre on a vocation à faire de l'électricité sur la base de gaz parce qu'on est l'un des plus grand producteur et commercialisateur de gaz au monde, et deuxièmement sur la base des renouvelables", indique M. Pouyanné.
Ces dernières suscitent depuis un moment l'intérêt des producteurs d'énergies fossiles, qui prennent à des degrés divers le virage du solaire et de l'éolien.
Le britannique BP avait fait figure de pionnier dès l'aube des années 2000 avec le slogan "Beyond Petroleum" (au-delà du pétrole), une stratégie qui s'est alors avérée prématurée mais est depuis revenue à l'ordre du jour. Dernièrement, BP a pris fin 2017 une participation dans le spécialiste du solaire Lightsource.
Le norvégien Statoil est pour sa part devenu un gros acteur de l'éolien en mer. Symboliquement, le géant de la mer du Nord a d'ailleurs décidé d'abandonner toute référence au pétrole dans son nom pour se rebaptiser Equinor.
(c) AFP