Pétrole : les baisses de l'Opep et de la Russie profitent aux Américains
Vingt-quatre pays, représentant plus de la moitié de la production mondiale de brut, se sont engagés jeudi soir à maintenir jusque fin 2018 leur niveau d'extraction en dessous du potentiel de leurs industries.
C'est l'option soutenue par l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial, qui a été retenue: Ryad plaidait de longue date pour une prolongation de neuf mois de l'accord valable jusqu'en mars prochain.
Alors que l'Etat saoudien est engagé dans une réforme en profondeur de son économie, un virage accentué ces derniers mois par l'ambitieux prince hériter Mohammed ben Salmane, des prix élevés du baril sont cruciaux pour alimenter les finances publiques.
L'Arabie Saoudite a réussi convaincre Moscou de rester engagé dans ce pacte de limitation inédit passé fin 2016, en dépit de l'impatience des entreprises pétrolières russes à vouloir profiter du rétablissement des prix du brut, qui évoluent à plus de 60 dollars depuis plusieurs mois.
"Ne pas respecter l'accord conduirait ces compagnies (russes, ndlr) à perdre des niches fiscales qui doivent être renouvelées en 2019", ont estimé les analystes de Barclays.
Et pour la Russie, poursuivent-ils, "les enjeux géopolitiques liés à un rapprochement avec l'OPEP et les principaux producteurs dépassent de loin le prix à payer par quelques compagnies pétrolières frustrées".
Le président russe Vladimir Poutine cherche ouvertement à développer la présence russe au Moyen-Orient dans une région marquée par la recomposition des équilibres de puissances et des alliances.
M. Poutine a reçu le roi Salmane d'Arabie saoudite à Moscou en octobre, et a signé avec lui d'importants accords militaires et économiques.
Manque de réalisme ?
Mais la réunion de jeudi à Vienne, où se trouve le siège de l'OPEP, "a été plutôt longue, ce qui indique que des inquiétudes ont pu être évoquées" entre les partenaires, ont noté les analystes de JBC Energy.
"Il faut admettre que la Russie est un pays différent de l'Arabie saoudite, avec une structure économique différente", a reconnu jeudi soir le ministre saoudien Khaled al-Faleh.
Parmi ces préoccupations, celle relative à l'appétit des pétroliers américains, encouragés par la hausse des cours, est de plus en plus en vive, particulièrement côté russe, soulignent les analystes.
Les entreprises d'une des trois plus grandes puissances pétrolières devraient profiter de la hausse des prix pour lever des fonds et exploiter les coûteux gisements de schiste des Etats-Unis.
"Les producteurs américains ont déjà bien profité de l'accord, et ils vont continuer de le faire en 2018", estiment les analystes de Barclays.
Selon eux, le ministre saoudien al-Faleh "semble mal comprendre de quoi sont capables les producteurs américains".
L'OPEP avait opté fin 2016 pour une baisse de la production afin d'enrayer la chute de l'or noir liée à la guerre que l'Arabie Saoudite avait menée contre le gaz de schiste et le pétrole de schiste américains entre 2015 et 2016.
Signe de l'inquiétude des participants à l'accord, une mention a été incluse dans le communiqué officiel sur la prochaine réunion des participants, en juin, qui sera l'occasion de rediscuter de la pertinence des quotas, si le besoin s'en fait sentir.
Contrairement à la dernière réunion de l'OPEP, au printemps, qui avait déçu les marchés et fait chuter les prix à leur plus bas de l'année, les cours sont restés stables depuis l'annonce du renouvellement du pacte, tant la décision était anticipée et la communication du cartel a été maîtrisée, a noté Bjarne Schieldrop, analyste chez SEB.
(c) AFP