La crise entre Bagdad et les Kurdes rend le marché du pétrole nerveux
Les investisseurs estiment en effet possible que les exportations du Kurdistan irakien soient affectées par de possibles affrontements.
Selon les analystes de Goldman Sachs, la production kurde, en incluant les champs de la région de Kirkouk que se disputent les deux camps, a été d'environ 750.000 barils par jour en 2017, et les exportations qui passent par un oléoduc jusqu'en Turquie ont atteint 570.000 barils par jour cette année.
Marché inquiet
Les prix ont légèrement monté depuis le début de la semaine. Le Brent de la mer du Nord, qui fait référence en Europe, a ponctuellement dépassé les 58 dollars pour le baril pour livraison en décembre. Ses prix avaient déjà atteint leur plus haut de l'année le 26 septembre, à 59,49 dollars, au lendemain du référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien.
Après plusieurs années de vaches maigres causées par une surabondance de l'offre d'or noir, les cours du pétrole se sont ressaisis en 2016 et se sont stabilisés en 2017, alors que les efforts engagés par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie pour réduire leur production ont entamé les abondantes réserves des pays de l'OCDE.
Résultat, les marchés réagissent à nouveau aux évènements géopolitiques, puisqu'une perturbation même temporaire de l'offre peut plus difficilement être comblée par les réserves mondiales.
Repli kurde
Dernière information décortiquée par les marchés, deux champs contrôlés depuis 2014 par les autorités kurdes ont été repris par les autorités irakiennes, alors que les combattants kurdes, les peshmergas, semblent se retirer sans violence.
"il n'y a pas vraiment eu de combats entre les forces gouvernementales et les Kurdes, qui sont partis en laissant les clés des infrastructures pétrolières en raison apparemment de dissensions au sein même du camp kurde", a résumé John Kilduff, analyste chez Again Capital.
L'arrêt du pompage de ces deux champs lundi par des techniciens kurdes avait fait grimper les prix.
Les deux champs étaient tombés sous le contrôle de la région autonome du Kurdistan en 2014 alors que l'Irak était déstabilisé par l'offensive du groupe jihadiste Etat islamique (EI).
"Selon nos calculs, les deux parties ont intérêt à maintenir le flux du pétrole, car avec des coûts de production bas, le revenu par baril est élevé", ont estimé les analystes de Goldman Sachs.
"Les prix avaient déjà reculé quand le gouvernement régional du Kurdistan a annoncé qu'il ne perturberait pas les exportations de pétrole", a noté James Williams, de WTRG Economics. Cet analyste fait référence à une certaine baisse des cours observée dans le courant de la journée de lundi, après la montée intiale consécutive aux informations sur l'initiative militaire de Bagdad.
L'oléoduc turc menacé
Pourtant, les prix se maintenaient à un niveau relativement élevé, prouvant la prudence des marchés.
"Si les tensions s'intensifient encore entre autorités kurdes et gouvernement central, cela pourrait mener à la fermeture de l'oléoduc kurde qui conduit plus de 500.000 barils de brut sur le marché international à travers la Turquie", a prévenu Tamas Varga, analyste chez PVM, qui juge qu'il y a "un risque réel de déficit de l'offre".
"Le vote n'a pas énervé que le gouvernement irakien, mais également la Turquie, qui compte une large population kurde et qui oeuvre activement à étouffer leurs ambitions indépendantistes et leur langage", a rappelé Phil Flynn, analyste chez Price Futures Group.
La Turquie a fermé lundi son espace aérien à tous les vols à destination et en provenance du Kurdistan irakien.
(c) AFP