Biocarburants: les agriculteurs européens dénoncent un coup de poignard de Bruxelles
C'est un coup de poignard dans le dos: Eric Lainé, planteur de betteraves et patron des betteraviers français, n'en revient pas.
La Commission a annoncé mercredi qu'elle souhaitait réduire de manière draconienne la part des biocarburants de première génération dans les carburants des transports entre 2021 et 2030: ils tomberaient ainsi à 3,8% alors que l'objectif est à 7% pour 2020.
A l'inverse, la Commission table sur des objectifs croissants d'incorporation de biocarburants dits avancés, fabriqués à base de déchets agricoles et forestiers ou de microalgues, pour atteindre 3,6% en 2030.
Alors que les betteraviers font partie des seuls agriculteurs français dont les perspectives demeuraient encore un peu prometteuses, avec notamment la fin des quotas de sucre en octobre 2017, cette proposition tombe comme une douche froide.
Une telle mesure est inadmissible, dit Dietrich Klein, du Copa-Cogeca, qui rassemble les syndicats et les coopératives agricoles européens.
Ces carburants sont la seule alternative réelle sur le long terme aux carburants fossiles, lesquels sont moins respectueux de l'environnement que les biocarburants conventionnels. Sans eux, l'UE ne parviendra pas à réaliser ses objectifs en matière de climat et d'énergie, estime-t-il.
Une thèse contraire à celle de nombreuses ONG: longtemps vu comme l'alternative idéale aux carburants fossiles, les agrocarburants sont depuis plusieurs années épinglés en raison de leur impact négatif sur la production alimentaire, la déforestation et à terme le climat.
Selon Oxfam, le fait d'utiliser des terres arables à des fins énergétiques diminue les surfaces disponibles pour la production d'aliments. Cela contribue donc à l'augmentation des prix et aggrave le problème de la faim dans le monde.
- Menace pour l'emploi
Faux, rétorquent les betteraviers, qui contestent les effets pervers évoqués par les ONG, et jugent irréaliste de vouloir produire des biocarburants avancés à ce rythme.
On va se battre contre ça et ça ne va pas rester en l'état, menace Alain Jeanroy, directeur général de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
Cette proposition de la Commission est en effet encore loin d'être adoptée et effective.
La Commission avait déjà appelé il y a quelques années à limiter à 5% le taux d'incorporation des biocarburants de première génération, mais le Parlement européen s'y était opposé.
Nicolas Rialland, responsable bio-éthanol à la CGB, redoute une double peine: selon lui cette décision s'ajouterait à une baisse considérable de la demande en carburant, en raison du renouvellement du parc automobile.
On aurait des fermetures d'usines, c'est une menace pour l'emploi, estime-t-il, chiffrant à 10% la production betteravière française qui serait menacée.
Cela aura également un effet négatif sur les marchés agricoles européens, principalement pour le secteur des oléagineux (colza, tournesol...), met en garde Dietrich Klein.
Le premier débouché des oléagineux français est le biocarburant, déclare à l'AFP Gérard Tubéry, producteur d'oléoprotéagineux dans l'Aude, qui craint la mise en péril de toute une filière.
Le traitement dans ce projet de texte des biocarburants de première génération est inacceptable, a réagi le Syndicat des énergies renouvelables (SER), principale organisation professionnelle du secteur dans l'Hexagone, mettant également en garde contre la mise à mal des sites industriels et plusieurs dizaines de milliers d'emplois en France.
(c) AFP