Chute du pétrole: l'Azerbaïdjan subit sa deuxième dévaluation en un an
De la Russie au Kazakhstan en passant par le Turkménistan et donc l'Azerbaïdjan, les exportateurs d'hydrocarbures de l'ex-espace soviétique se trouvent acculés à des remèdes douloureux pour s'adapter à la déroute des prix du brut, au plus bas depuis plus de dix ans à Londres.
Dans un communiqué, la banque centrale d'Azerbaïdjan, qui avait dépensé plus de la moitié de ses réserves de devises pour défendre la monnaie depuis le début de l'année, a annoncé cesser ses interventions sur le manat, dont le taux sera fixé en fonction de l'offre et de la demande. Elle a expliqué sa décision, qui s'applique dès lundi, par la chute des cours du pétrole et la dépréciation continue des monnaies des pays partenaires, qui commencent à affecter l'économie azerbaïdjanaise.
Il s'agit de la deuxième dévaluation cette année dans un pays qui a connu plusieurs années de prospérité lorsque les prix du pétrole étaient élevés, symbolisées par la construction de gratte-ciel ultramodernes dans la capitale Bakou.
Le gouvernement du président Ilham Aliev, qui dirige le pays sans partage depuis douze ans, a également pris des mesures de réduction des dépenses publiques pour s'adapter à la baisse de ses revenus.
Au-delà de l'Azerbaïdjan, toutes les ex-républiques soviétiques riches en hydrocarbures pâtissent doublement de l'effondrement des cours du pétrole, passés de plus de 100 dollars à l'été 2014 à 36 dollars lundi à Londres. Il faut remonter à mai 2004 pour retrouver un tel niveau.
Outre la baisse directe de leurs revenus, ces pays sont affectés par la récession en Russie, elle aussi dépendante du pétrole et du gaz, avec qui ils maintiennent d'étroits liens commerciaux.
Dans ce contexte, maintenir la monnaie à flot coûte très cher en interventions sur les marchés et réduit la compétitivité par rapport à la Russie qui a laissé plonger sa monnaie dès la fin 2014. Laisser la monnaie se déprécier permet en outre de maintenir les revenus budgétaires puisque les ventes d'hydrocarbures sont effectuées en dollars.
- Décisions impopulaires
Pour l'Azerbaïdjan, dont les exportations d'énergie couvrent les trois quarts des revenus budgétaires, la dévaluation devrait se traduire par une économie de près de deux milliards de dollars pour son fonds souverain, financé par la manne pétrolière et utilisée pour des travaux d'infrastructures, a rapporté l'agence Interfax-Azerbaïdjan.
Mais pour la population, la mesure risque d'entraîner une flambée des prix. Et selon le FMI, si la dévaluation de février avait eu un effet positif sur le budget, elle avait affecté le secteur financier en raison d'une dollarisation de l'économie, la population préférant conserver ses économies en monnaie américaine.
Le Fonds prévoit un ralentissement de la croissance du pays à 2,5% l'an prochain contre 4% cette année, mais ces prévisions datent d'avant la récente rechute du marché pétrolier.
Si les autorités azerbaïdjanaises ont décidé d'agir de nouveau, c'est parce qu'elles s'inquiétaient de l'accumulation de divers déséquilibres dans l'économie liés à la chute des cours du pétrole et du fait que les autres exportateurs de pétrole de la région ont dévalué encore davantage, selon Oleg Kouzmine, économiste de la banque d'investissement Renaissance Capital.
Par ailleurs, cela pourrait être lié à la volonté d'appliquer toutes les décisions impopulaires en 2015 pour commencer 2016 avec une page blanche, a ajouté cet expert basé à Moscou.
En Asie centrale, le Kazakhstan a suivi le même chemin: en août, il a laissé évoluer librement sa monnaie, la tenge, qui a depuis perdu 40% de sa valeur, conduisant à une envolée des prix, et décidé de privatiser certains actifs clés de l'Etat pour augmenter ses revenus.
Le Turkménistan, également riche en hydrocarbures, a dévalué sa monnaie de 20% début 2015.
(c) AFP