Le dossier pétrole contre nourriture de retour devant la justice
Ce procès doit se tenir jusqu'au 6 novembre, à raison de trois demi-journées d'audience par semaine.
Après huit ans d'instruction et un mois de procès, le tribunal correctionnel de Paris a rendu le 8 juillet 2013 un jugement spectaculaire dans cette affaire, en relaxant tous les prévenus.
En vigueur de 1996 à 2003, le programme pétrole contre nourriture visait à atténuer les effets sur la population irakienne d'un strict embargo de l'ONU décrété après l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990.
Il permettait au régime de Saddam Hussein de vendre du pétrole, en quantités limitées et sous contrôle de l'ONU, en échange de biens humanitaires et de consommation. Mais Bagdad avait contourné ce programme par le biais de ventes parallèles et de surfacturations, en distribuant des millions de barils à des personnalités amies ou en encaissant des ristournes sur les ventes de pétrole.
Le tribunal correctionnel a estimé qu'aucune des infractions de corruption d'agents publics étrangers, trafic d'influence ou abus de biens sociaux retenues contre les vingt prévenus n'était constituée. Une analyse contestée par le parquet de Paris. Son appel vise notamment les groupes pétroliers français Total et suisse Vitol.
- Acharnement' ?
L'avocat de Total, Me Jean Veil, a fait part à l'AFP de son étonnement face à l'acharnement du ministère public.
D'une part, le code français des douanes relatif au litige est postérieur aux faits reprochés à Total. D'autre part, les autorités américaines qui ont enquêté à l'ONU ont dans le passé déclaré que les entreprises pétrolières mondiales n'étaient pas responsables de l'application inefficace d'une réglementation inadaptée, a-t-il déclaré. Total sera donc relaxé comme en première instance, a-t-il avancé.
Doivent également comparaître 13 autres prévenus, dont l'ancien ambassadeur de France à l'ONU Jean-Bernard Mérimée, l'ancien diplomate Serge Boidevaix, ou encore l'ex-conseiller diplomatique de Charles Pasqua, Bernard Guillet, seul prévenu contre lequel une peine de prison avait été requise.
En revanche, le parquet n'avait pas fait appel de la relaxe, conforme à ses réquisitions, de l'ancien ministre Charles Pasqua et de celle de Christophe de Margerie, ex-PDG de Total, dont il était directeur pour le Moyen-Orient de la branche exploration-production. Tous deux sont décédés depuis.
Un deuxième volet de cette affaire a abouti le 18 juin dernier à la relaxe de 14 sociétés, dont Renault Trucks, Legrand et Schneider Electric.
Le parquet a là aussi fait appel, mais les dates du nouveau procès ne sont pas encore fixées.
Le tribunal avait considéré que le système de surcharges de 10% versées sur chacun des contrats avait été mis en place par les plus hautes autorités irakiennes et que l'argent avait atterri dans les caisses de la banque centrale irakienne.
Il n'était en outre pas établi qu'il y ait eu intervention d'agents étrangers ayant bénéficié d'un enrichissement personnel, selon le tribunal. Or ce critère fait partie de la définition du délit de corruption pour lequel étaient renvoyées les sociétés, le délit de violation d'embargo n'existant pas en droit français.
Par ailleurs, le tribunal avait estimé que quatre sociétés ne pouvaient être poursuivies car elles avaient conclu des accords avec le département américain de la Justice et accepté des sanctions des autorités boursières américaines, avec des millions de dollars d'amendes à la clé.
Selon un rapport établi en 2005, quelque 2.200 sociétés d'une soixantaine de pays auraient participé au contournement du programme oil for food en versant des pots-de-vin au régime irakien.
(c) AFP