Un retour de l'Iran susciterait des tensions sur le marché du pétrole
L'Iran et les grandes puissances ont conclu mardi à Vienne un accord sur le nucléaire iranien, qui prévoit une levée progressive et réversible des sanctions économiques contre Téhéran à partir de début 2016.
En raison de l'embargo occidental, les exportations de l'Iran ont chuté de quasi moitié, d'environ 2,2 millions de barils par jour (mbj) mi-2012 à 1,2 mbj actuellement.
Le recul de la production iranienne a été largement compensé par l'Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis, tous membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). La production cumulée du cartel a augmenté d'environ 2 mbj durant la même période à 15,9 mbj, selon des statistiques du cartel.
Le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zanganeh, a indiqué en juin que son pays souhaitait revenir à sa production d'avant l'embargo.
C'est notre droit de revenir sur le marché et j'ai demandé aux membres de l'Opep de considérer le retour de l'Iran, avait expliqué M. Zanganeh, assurant que son pays pourrait produire 0,5 mbj supplémentaire un mois après la levée de l'embargo, et 1 mbj après 6 à 7 mois.
Les économistes estiment qu'un retour de l'Iran à son ancienne production ne devrait pas avoir un impact immédiat sur un marché surabondant, car il serait progressif.Toute la production additionnelle de l'Iran ira à l'exportation, mais cela ne va pas aggraver l'excédent sur les marchés, car l'augmentation sera progressive, note Jassem al-Saadoun, directeur d'Al-Shall, un cabinet de conseil économique au Koweït.
L'Iran devrait mettre quelques années pour atteindre son objectif de 1 mbj supplémentaire, dit-il à l'AFP.
- 'La fin de l'Opep' -Selon le cabinet saoudien de consultants Jadwa Investments, l'Iran ne pourrait augmenter sa production que de 150.000 barils par jour au quatrième trimestre de cette année.
Après la levée de l'embargo, le brut iranien ne va pas à court terme inonder le marché, assure Jadwa.
Dans un rapport, ce cabinet souligne que Téhéran aura besoin de 6 à 12 mois pour se conformer pleinement à tous les termes de l'accord avec les puissances occidentales sur son programme nucléaire.
Mais la hausse attendue des exportations du brut iranien arrive à un moment où les producteurs se disputent déjà âprement les parts de marché. Une hausse possible de la production libyenne et irakienne risque en outre de compliquer la donne.
L'Arabie saoudite produit actuellement 10,3 mbj, un record, et l'Opep dépasse de plus de 1 mbj son plafond de production, fixé à 30 mbj.
Le vrai problème se posera lorsque les membres de l'Opep commenceront à se battre pour les quotas, sur fond d'offre excédentaire, prévient M. Saadoun.
Si l'Iran, le Venezuela, l'Algérie et la Libye entrent en conflit avec les producteurs du Golfe, ce sera la fin de l'Opep, prédit-il.
- Partenaire des Emirats -
Une levée des sanctions pourrait par ailleurs relancer les échanges commerciaux entre Téhéran et ses voisins arabes du Golfe, surtout Dubaï, le seul avec qui l'Iran commerce activement.
Le ministre émirati de l'Économie, Sultan al-Mansouri, a indiqué en juin que les échanges avec l'Iran avaient atteint 17 milliards de dollars en 2014 mais restaient inférieurs au record de 23 milliards USD, enregistré en 2011 avant l'application des sanctions.
L'Iran est le quatrième partenaire commercial des Emirats, notamment via Dubaï, où vit une importante communauté iranienne très active dans les affaires.
Le vice-président du Conseil d'affaires iranien à Dubaï s'attend à une hausse de ces échanges de 15% à 20% durant l'année suivant la levée des sanctions.
Les monarchies du Golfe pourraient utiliser une partie de leurs réserves financières, estimés à 2.500 milliards USD, pour investir en Iran -- mais à condition que les conflits régionaux soient maîtrisés.
M. Saadoun souligne que l'impact régional positif d'une levée des sanctions serait compromis si persistent les conflits en Irak, en Syrie et au Yémen, et des tensions confessionnelles.
Les relations commerciales sont susceptibles de s'améliorer avec les Emirats, mais je ne pense pas que ce sera le cas avec l'Arabie saoudite et le Koweït tant que la conjoncture politique ne s'améliore pas, conclut-il.
(c) AFP