Pétrole: la Russie reste incontournable malgré les sanctions
La Russie est la principale perdante de la chute des prix du pétrole, qui ont perdu plus de 50% de leur valeur depuis la mi-juin, d'après de nombreux experts réunis lors de la semaine internationale du pétrole à Londres.
Le pays, qui a produit 10,6 millions de barils par jour en 2014, est en compétition directe avec les États-Unis et l'Arabie saoudite pour le titre de plus grand producteur de pétrole au monde.
Mais la Russie pourrait voir sa production diminuer à cause d'une baisse des investissements dans le secteur.
Dans son dernier rapport sur le marché du pétrole à moyen terme, l'Agence internationale de l'énergie (AIE), estime que la production du pays pourrait diminuer de plus de 500.000 barils par jour d'ici à 2020.
La Russie souffre des sanctions et de la chute des prix du pétrole. Chacun de ces facteurs pris séparément n'aurait pas forcément un gros impact sur la production du pays, a expliqué Antoine Halff, en charge de l'industrie pétrolière à l'AIE. Mais la combinaison de la perte des revenus pétroliers (qui représentent près de 45% des rentrées budgétaires du pays, NDLR) et de l'impossibilité de se financer sur les marchés à cause des sanctions pour compenser le manque à gagner représente un défi pour l'industrie pétrolière russe, insiste-t-il.
Les motivations pour les investissements en Russie sont limitées pour le moment, note James Henderson, chercheur à l'institut Oxford.
Mais malgré les sanctions, des opportunités pourraient émerger afin que la Russie continue à produire, notamment pour les entreprises étrangères en Russie, dans le secteur conventionnel (hors offshore ou pétrole de schiste, NDLR). BP regarde déjà du côté de la Sibérie, a-t-il ajouté.
Pour le moment, les sanctions ne rendent pas la tâche aisée aux géants occidentaux présents en Russie, comme ExxonMobil, Total, Statoil et ENI.
Mais pour Franco Magnani, vice-président Europe du nord et Russie de l'italienne ENI, les perspectives de développement du secteur sont favorables car les ressources pétrolières russes sont trop importantes pour être négligées.
La compagnie italienne précise qu'elle se conforme aux sanctions occidentales tout en cherchant à continuer à travailler avec son partenaire, le géant pétrolier russe Rosneft, sur des activités qui ne sont pas concernées par les sanctions.
- Forage russe -
Les sanctions contre la Russie incluent, entre autres, l'interdiction de fournir certains équipements pétroliers, comme des tiges de forage, pour des projets offshore en eaux profondes, ou dans l'Arctique, ou encore de forage de puits de pétrole de schiste.
Ce n'est pas simple, souligne M. Magnani. A moyen et long termes, il est crucial que les tensions géopolitiques se dissipent, permettant de développer des projets plus risqués et coûteux, précise ENI.
Si la stabilité ne revient pas, la Russie va finir par développer ses propres technologies et savoir-faire pour explorer de nouvelles ressources, explique M. Magnani.
Un mouvement déjà amorcé chez Rosneft qui a pris la décision, face aux sanctions, d'augmenter les effectifs dans sa branche de services pétroliers.
Dans le futur, près de 70 à 80% de nos projets seront forés par nos soins et cela sera bien plus efficace, explique Igor Setchine, président de Rosneft, devant un parterre d'experts du secteur.
Le président s'est également dit prêt à accepter les monnaies locales pour l'établissement des contrats à long terme, afin de développer les parts de marché de la compagnie en Asie, plus principalement en Chine.
Nous connaissons des moyens de convertir les yuans (devise chinoise) et nous sommes prêts à nous atteler à la tâche si nous devons le faire, précise-t-il.
Rosneft a été touchée par les sanctions occidentales qui empêchent la compagnie de se financer sur les marchés à long terme même si, selon son président, l'entreprise opère avec confiance dans le présent contexte.
Mais M. Setchin a souligné que la Russie n'était pas la seule à pâtir de la situation. Les sanctions contre la Russie menacent l'approvisionnement de pétrole de l'Europe à long terme, a-t-il souligné.
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