Chute des prix du pétrole: à Aberdeen, on ne veut pas craindre le pire
Les cours du brut ont chuté de près de 60% depuis la mi-juin 2014. Ils sont passés sous la barre des 50 dollars en janvier, grévant la rentabilité économique des champs matures de la mer du Nord dont l'exploitation est plus coûteuse.
La réaction des majors pétrolières ne s'est pas fait attendre: ces derniers mois, BP, Royal Dutch Shell et Chevron ont annoncé des licenciements par centaine en mer du Nord.
Pour Jake Molloy, responsable au syndicat RMT qui représente près de 20% des travailleurs offshore au Royaume-Uni, la situation est sérieuse.
Selon lui, près de 1.500 employés ont été notifiés de leur licenciement, près de 3.000 personnes pourraient perdre leur emploi dans le secteurs offshore, et 10.000 personnes en tout pourraient se retrouver au chômage dans l'industrie du pétrole.
Pour eux c'est la crise d'une vie, constate M. Molloy, qui a lui même perdu son emploi en 1986, lorsque les prix du pétrole avaient plongé. Au milieu des années 80, l'économie locale avait été particulièrement affectée. C'était vraiment sinistre, beaucoup de personnes ont perdu leurs commerces ou leurs maisons, raconte à l'AFP M. Molloy.
- Un sentiment de déjà vu -
Aberdeen pourrait devenir une ville fantôme dans 10 ans,souligne Colin Welsh, le CEO de Simmons & Company.
En effet, cette fois-ci, le rebond attendu des prix pourrait ne pas profiter à Aberdeen car les puits en Mer du nord sont trop vieux, trop chers et intéressent moins les majors.
L'industrie pétrolière, dont les salariés gagnent en moyenne 2 fois et demi le salaire moyen au Royaume-Uni, a fait la prospérité d'Aberdeen.
Aujourd'hui, les Aberdinois, qui ont voté en septembre contre l'indépendance de l'Écosse, tentent de se rassurer. Le scénario le plus noir a été évité, soulignent-ils. Le Parti national Écossais (SNP) séparatiste avait en effet construit le budget du pays de leurs rêves sur un pétrole à 110 dollars. A 50 dollars le baril, on est loin du compte.
Je n'ai pas prévu la chute des cours du pétrole, comme tout le monde d'ailleurs. En politique on joue avec les cartes distribuées, on répond aux défis, et ce défi est très sérieux, esquive Fergus Ewing le ministre Écossais (SNP) du tourisme du commerce, de l'énergie et du tourisme.
Plus de la moitié des emplois à Aberdeen sont liés à l'industrie du pétrole et du gaz. En plus du vent glacial bien commun en hiver, un vent de panique devrait souffler sur la ville.
Cependant, les Aberdinois ne semblent pas avoir pris la mesure de la crise qui s'annonce. C'est peut-être parce que les licenciements n'ont pas encore pris effet.
Pour l'instant la plupart des travailleurs concernés sont encore en poste et les premiers à partir seront les personnes proche de la retraite, selon Dame Anne Begg, député d'Aberdeen sud.
Il y a toujours un délais, et il est possible que 6 mois à un an se passent avant que l'impact se fasse réellement sentir sur l'économie de la ville, a-t-elle ajouté, inquiète.
Ses administrés veulent se rassurer.
Nous avons déjà vécu cela avant, et cela arrivera encore. Il y aura probablement des pertes d'emploi mais c'est comme cela que fonctionne l'industrie (pétrolière), constate, fataliste, Tony Maguire qui travaille sur une plateforme offshore.
Dans le port d'Aberdeen, où les dockers s'affairent à charger des bateaux imposants d'équipement dédié aux plateformes, c'est le même discours.
Pour Robert, le superviseur des docks, qui a 29 ans d'industrie derrière lui, il s'agit juste d'une baisse passagère: le prix va remonter comme toujours. Un de ces trois enfants vient de commencer son apprentissage dans l'industrie mais il n'est pas inquiet.
Si les choses allaient si mal, ils arrêteraient la construction du grand bâtiment près de l'aéroport, note Dave, un des nombreux chauffeurs de taxi qui sillonnent les routes embouteillées de la ville, victimes de succès de l'industrie du pétrole.
La compagnie pétrolière Norvégienne Aker Solutions, un gros employeur dans la région, va prendre livraison de nouveaux bureaux de 31.100m2 cette année.
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